Quand le féminisme s’accommode à la sauce multiculturelle

On peut légitimement se poser des questions sur la franc-maçonnerie. Sophie Coignard, journaliste au Point, publia, en 2009, Un État dans l’État, qui démontrait l’existence d’un contre-pouvoir maçonnique. Chacun d’entre nous peut croiser dans sa vie des initiés, célèbres ou obscurs, compétents ou médiocres, le secret plus ou moins gardé, fût-il théoriquement de mise. Savent-ils eux-mêmes s’ils ont obtenu un poste pour leur seule valeur ou parce qu’ils appartiennent à une obédience influente ?

Encore qu’ils ne soient pas toujours d’accord entre eux. Récemment, deux personnalités, manifestement franc-maçonnes, si l’on en croit leur lexique, ont eu un vif échange par tweets interposés : Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, d’une part, Françoise Laborde, qui fut longtemps journaliste à France 2, d’autre part.

À l’origine de cette querelle, un tweet de la première : "Nos politiques publiques d'égalité femmes hommes doivent être adaptées à la spécificité de chaque territoire." Une petite phrase apparemment anodine. Pas de quoi fouetter un chat ? Voire ! Ce défenseur de la condition féminine – je n’arrive pas à écrire cette défenseure, qui est une absurdité linguistique – laisse entendre que l’égalité entre les sexes serait relative. De quoi irriter, à juste titre, les tenants d’un féminisme universel.

Françoise Laborde de répliquer : "Ah non alors ! Universalité des droits ! C’est le socle de tout. C’est le seul chemin ! J’ai dit." Un surnommé Cincinnatus – sans doute un gentleman-farmer revenu de la politique – la soutient : "Il faut continuer de mener le combat de l’universalité avec force et vigueur !" En réponse, cet autre tweet : "Surtout pour qui sait épeler." Des spécialistes décèlent dans ces échanges un combat fratricide (sororicide ?) entre sœurs franc-maçonnes.

Quoi qu’il en soit, on peut en déduire les convictions du secrétaire d’État. Pour elle, comme dans La Ferme des animaux d’Orwell, "tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres". Il faut tenir compte de la "spécificité" des territoires, notamment de leur culture dominante. Ainsi, les femmes des quartiers doivent pouvoir choisir librement leur tenue et se voiler intégralement, si tel est leur bon plaisir.

On est loin des revendications féministes du mouvement Ni Putes ni soumises, fondé en 2003 par Fadela Amara, qui dénonçait naguère, sur son site, le sort des femmes musulmanes dans lesdits quartiers : "Si tu veux être respectée, trois possibilités. Soit tu sors avec un caïd. Soit tu te fais engrosser. Soit tu portes le voile." Au nom de la liberté – et avec des arrière-pensées politiques –, on légitime progressivement des comportements qui placent la femme dans un état de soumission.

Le plus intéressant, dans cette affaire, c’est qu’Emmanuel Macron ait cru bon de faire rentrer cette pasionaria dans l’équipe gouvernementale. Lui qui est si soucieux que ses ministres soient irréprochables, ne pourrait-il pas aussi éviter d’attribuer des fonctions importantes à des personnes dont les positions sont pour le moins ambiguës ? À moins qu’il ne les partage lui-même ?

Le secrétaire d’État chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes sera sans doute présent, mercredi, à la cérémonie d'obsèques officielles organisée dans la cour des Invalides à Paris pour rendre hommage à Simone Veil. Une invitée embarrassante, c’est le moins qu’on puisse dire !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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