Le faux héritage de Mai 68

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Grèves des étudiants, amphis transformés en assemblées révolutionnaires, chaîne humaine bloquant les instituts, facultés évacuées, refus des examens : assistons-nous à un remake de Mai 68 ?

Rien n’est moins sûr. D’abord, parce que Mai 68 n’a jamais été - sauf pour une minorité - une revendication corporatiste. Ensuite, parce que l’héritage, si l’on peut dire, ou plutôt la transgression de ses valeurs, n’a jamais été l’accès pour tous à l’université et les examens au rabais. C’est ce qui, malheureusement, lui a survécu.

Or, on le découvre aujourd’hui, en dehors du coût faramineux de cette utopie, c’est l’échec : comment imaginer que tout bachelier soit apte à faire des études supérieures et à se consacrer à la recherche ? Comme faire pour recruter en parallèle une élite de professeurs et d’assistants en nombre suffisant ?

Une telle réforme, à travers la multiplication des unités universitaires et autres instituts, et à travers une pseudo-démocratisation de l’enseignement (dit supérieur), a finalement abouti à sa destruction. Elle ne pouvait immanquablement que conduire à la baisse du niveau des enseignements (certains professeurs en appellent aux dictées pour essayer d’avoir des élèves sachant lire et écrire) et à la médiocrité des enseignants (pour remplir les postes à la hâte, le niveau des concours a été abaissé de façon affligeante). Les récentes constatations sur le rang de la France dans le monde en intelligence artificielle en est un exemple. Cerise sur le gâteau : l’afflux d’étudiants étrangers appâtés par des études pratiquement gratuites ne fait que compliquer la situation, outre que ces étudiants n’ont qu’un objectif - rentrer au pays pour nous concurrencer.

Cette démagogie, ce populisme appliqué à l’éducation est épouvantable et probablement une des raisons de l’affaiblissement de la pensée chez les jeunes. Ce n’est pas le nombre d’élèves par classe qu’il faut diminuer, mais la qualification des maîtres qu’il faut augmenter.

L’apparent remake de Mai 68 en cours, en ce mois de mai 2018, est instructif : une minorité agissante de jeunes, appuyés par une poignée d’enseignants, qu’on ne saurait appeler professeurs, est vent debout contre un filtre à l’entrée des universités. Pour quelle raison obscure, en pleine période d’examen ? Serait-ce la lie des étudiants, apeurés à l’idée de rater les examens qu’ils n’ont pas préparés, qui s’agite ? Il est permis de se poser la question.

Les utopies n’ont qu’un temps. Qui peut croire un instant que ces jeunes pourront répondre aux grands enjeux de demain et aux questions économiques et sociales qui les attendent ? Pendant que ces jeunes dilettantes croient intelligent de déprécier le savoir, des cohortes de brillants diplômés se préparent, en Asie, à prendre, sans état d’âme, le relais de l’innovation et de la création.

Bérenger de Montmuel
Bérenger de Montmuel
Philosophe et anthropologue

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