Cela date un peu, mais le hasard fait bien les choses.

Je voulais visionner une vidéo sur YouTube quand mon attention a été attirée par ce qui était qualifié de "violent clash" entre Éric Zemmour et Bernard-Henri Lévy, le 1er mars 2017.

Sur Paris Première, dans l'émission "Zemmour & Naulleau".

J'ai regardé et écouté le dialogue entre BHL et Zemmour et ce fut un moment extraordinaire. Une joute unique. De dix à quinze minutes.

Ce n'aurait été qu'une réjouissance personnelle si je n'avais pas tiré de ces échanges vigoureux, brillants, intelligents, des enseignements sur le rôle des médias classiques et la nature des émissions politiques.

Il était d'abord étonnant de voir ces deux personnalités confronter avec le sourire leurs divergences essentielles, profondes, mais sans se ménager, à partir de la promotion d'un film de BHL sur les peshmergas. Elles n'étaient accordées ni sur les Kurdes et le Kurdistan ni sur la Syrie ni sur la Libye. Pour Zemmour, BHL n'était inspiré que par le désir de destruction des États-nations et, pour ce dernier, Zemmour était incapable d'opérer la moindre synthèse entre le respect des morts et l'universel, entre l'humanisme et le réalisme.

Zemmour sommait BHL de choisir entre Barrès et Zola alors que le philosophe affirmait épouser les conceptions de l'un et de l'autre. On percevait la différence fondamentale qui conduisait Zemmour à avoir pour souci exclusif la sauvegarde et les intérêts de la France quand BHL assignait précisément à celle-ci une mission qui dépassait son pré carré.

BHL était qualifié de "colonisateur du XXIe siècle" et Zemmour d'autres épithètes. Mais l'empoignade vive, percutante, dure - chacun prenait son lot - mettait aux prises deux intelligences, deux savoirs, deux expériences et une qualité d'argumentation commune. Deux caractères qui débattaient violemment de sujets graves mais sans cesser de s'estimer. Loin de s'offusquer de ce que chacun prenait de plein fouet de l'autre, ils l'exploitaient pour en tirer profit. Leur parole se nourrissait de la contradiction qui lui était apportée et qu'ils dominaient pour repartir de plus belle. Un duo incomparable.

J'ai découvert un BHL que je ne connaissais pas, sympathique, attentif, sans morgue aucune, se moquant de lui-même et animé par un formidable désir de convaincre. Et comme Zemmour n'était pas chiche non plus sur ce plan-là, on imagine le feu d'artifice avec deux positions antithétiques vaillamment, superbement défendues et aboutissant, comme il est naturel, à la forme de noble incertitude qu'engendrent les talents et les dialectiques antagonistes.

Sortant de ce combat, je songeais aux émissions politiques traditionnelles comme à des simulacres. Je pensais à « C dans l'air » où l'excellente Caroline Roux, journaliste, pose des questions à des invités journalistes sur des thèmes dont elle connaît les réponses aussi bien qu'eux. Et le téléspectateur a des fourmis dans l'esprit, et le citoyen aurait des choses à dire !

Je me souvenais de ces molles et superficielles confrontations où le journaliste et son interlocuteur du jour faisaient tout pour maintenir un vague consensus que les questions et les réponses avaient pour finalité de ne pas troubler. Une connivence reposante. Un journalisme de chambre.

La leçon principale de ce magnifique match entre BHL et Zemmour est que, faute d'authenticité, de langage maîtrisé, de richesse conceptuelle, de culture, la télévision se condamnera au futile, au superficiel, à la dérision, au vulgaire.

Ou à la honte. C'est Christine Angot qui va officier à "ONPC" à la place de Vanessa Burggraf. La grossièreté haineuse à l'encontre de François Fillon est donc un passeport.

Mais je chasse le spleen à venir, l'exaspération de demain.

Tout à ce quart d'heure qui a enchanté ma matinée, m'a donné le moral. Tout est donc possible, même le meilleur.

8695 vues

14 juillet 2017 à 10:00

Partager

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.