Il faut voter pour des candidats qui refusent d’être des godillots

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Au premier tour, La République en marche a obtenu une victoire écrasante, même si l’abstention record de 51,2 % doit la relativiser. Les causes en sont multiples : la lassitude après des mois de campagne, la désaffection – méritée – pour les anciens partis dits de gouvernement, l’attrait d’une nouvelle formation promue par une campagne de marketing – alors qu’on compte parmi ses candidats de vieux routards de la politique ou de jeunes ambitieux qui ont opportunément trouvé une piste de lancement.

On peut d’ailleurs s’interroger sur le succès de candidats totalement inconnus, qui ont réuni sur leur nom plus de 30 % des suffrages exprimés – soit 15 % des inscrits – pour la seule raison qu’ils portaient l’étiquette d’En Marche ! Seront-ils des députés rassembleurs qui tiendront compte de leur très relative représentativité ? Peu probable : les porte-parole d’Emmanuel Macron ont répété que son programme présidentiel serait intégralement appliqué.

On peut aussi se demander pourquoi une partie de l’électorat de droite s’est abstenue ou s’est tournée vers Macron, un collaborateur de François Hollande. Les « affaires » de François Fillon, qu’elles aient ou non été instrumentalisées, n’expliquent pas tout. La véritable raison, c’est que la plupart des ténors du LR les y ont directement ou indirectement encouragés. En appelant à voter Macron quelques minutes après l’annonce des résultats du premier tour aux présidentielles, François Fillon porte une lourde responsabilité dans leur défaite aux législatives.

Mais la responsabilité de personnalités comme Alain Juppé, Xavier Bertrand ou Christian Estrosi est encore plus importante.

Le maire de Bordeaux a beau déclarer que "l’enjeu pour le second tour est clair. Aurons-nous demain une chambre monochrome, ce qui n’est jamais bon pour le débat démocratique, ou aurons-nous un groupe qui, dans un esprit constructif, pourra animer le débat démocratique ?", il ne pourra effacer ses ambiguïtés, voire sa complicité à l’égard du camp de Macron. N’est-il pas allé jusqu’à soutenir personnellement Aurore Bergé, candidate LREM, dans les Yvelines, contre Jean-Frédéric Poisson, régulièrement investi par Les Républicains ?

Quant à Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France grâce au retrait du PS, il n’a rien trouvé de mieux que d’appeler "les candidats des partis et des mouvements républicains [à] tout mettre en œuvre pour faire barrage [au second tour] aux candidats de l'extrême droite". C’est sans doute, à ses yeux, plus important que de donner une plus grande diversité à la représentation nationale et de permettre à des voix discordantes de s’exprimer.

Faut-il parler de Christian Estrosi ? Son seul nom résume toutes les compromissions.

Car la seule opposition véritable proviendra des quelques élus soutenus par le Front national ou La France insoumise – les survivants du PS étant, pour la plupart, prêts à soutenir la majorité présidentielle – et, peut-être, s’ils font passer leurs convictions avant leur carrière, de quelques députés LR. Sera-ce l’occasion d’unifier une droite hors les murs, fière de défendre ses valeurs ?

Raison de plus pour voter, au second tour, pour des candidats qui refusent d’être les godillots de service, prêts à voter des deux mains les projets décidés à l’Élysée. Il faut que puisse se faire entendre, au palais Bourbon, la voix d’une majorité de Français qui ne se reconnaissent pas dans une République en marche inspirée des thèses, déjà anciennes, d’experts comme Jacques Attali. Bref, il faut que la voix du peuple ne soit pas étouffée.

Sans quoi la France sombrerait progressivement dans une nouvelle forme de totalitarisme, d’autant plus dangereux qu’il prendrait les apparences du progrès et de la modernité. Ce sont les fondements mêmes de la démocratie qui seraient corrompus.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/11/2023 à 9:56.
Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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