Europe : François-Xavier Bellamy piégé par les médias ou par ses ambiguïtés ?

François-Xavier Bellamy

"Si je ne me connaissais que par ce que les journalistes disent de moi, je me détesterais !" a confié François-Xavier Bellamy. On le comprend ! Des journalistes lui ont fait dire qu'il défendait sur l'Europe des positions bien proches de celles de Macron. Il aurait même déclaré : "Ce qui est certain, c'est qu'entre la vision d'Emmanuel Macron et la vision de Marine Le Pen, je serais clairement plutôt du côté d'Emmanuel Macron." L'intéressé a dû démentir. Mais ces défauts d'interprétation seraient-ils possibles si la « troisième voie » qu'il propose n'était semée d'ambiguïtés ?

Les Républicains rejettent l'idée d'une Europe fédérale. D'après le compte rendu incriminé, François-Xavier Bellamy aurait souligné qu'il ne croyait pas à "la vision proposée par Emmanuel Macron qui consiste en gros à dire que, dans la mondialisation que nous vivons aujourd'hui, l'époque des États-nations est terminée et que l'Europe devienne ce grand ensemble auquel nous allons transférer notre souveraineté". Fort bien ! Voilà de quoi rassurer les eurosceptiques et les souverainistes... qui déchantent quand ils lisent : "Aujourd'hui, ce ne serait pas souhaitable. Mais si demain on a réussi à faire progresser la conscience européenne, la conscience d'une communauté culturelle européenne, eh bien, ça pourrait devenir souhaitable."

Dans son démenti, il rappelle sa véritable position, qui le distingue d'Emmanuel Macron : « J’ai indiqué qu’à mon sens il ne pourrait y avoir de démocratie européenne que s’il y avait un peuple européen, et qu’aucune décision politique ne pouvait faire exister un peuple unique au mépris de la lente maturation de l’histoire, des cultures et des langues qui font la belle richesse de l’Europe dans la diversité des peuples qui partagent en elle une civilisation commune." Cela ne contredit en rien les propos que des journalistes, peut-être malintentionnés, lui ont prêtés. Il reproche simplement à notre Président d'être trop pressé.

D'ailleurs, devant des militants cannois, il a tenu à peu près le même discours, l'agrémentant de quelques thèmes susceptibles de plaire en PACA : "Nous avons besoin de l'Europe pour faire face aux grands défis de l'avenir, en matière de politique migratoire, commerciale, ou de défense commune. Mais nous ne devons pas faire de l'Europe une utopie en soi […]. L'Europe doit permettre de faire vivre la singularité des nations." En bon connaisseur de la rhétorique, il sait pratiquer captatio benevolentiae pour obtenir la bienveillance de l'auditoire.

Dans sa mise au point, il explique aussi qu'il veut empêcher le débat de "sombrer dans un affrontement stérile entre “populistes” et “progressistes”", comme le souhaite Macron. Il ne croit pas "que l’avenir de la France sera plus libre et plus prospère en détruisant l’alliance des démocraties européennes" : il ne se reconnaît donc pas "dans la critique systématique incarnée par Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan". Mais il ne se reconnaît pas, non plus, dans "la fuite en avant fédéraliste" d'Emmanuel Macron. Si l'on en croit les sondages actuels, il ne parvient pas à convaincre les électeurs. Il est vrai qu'on leur a déjà fait le coup de l'attrape-souverainistes.

Dans cette affaire, Les Républicains risquent fort d'y laisser leurs dernières plumes. Certes, il ne faut pas tomber dans le piège de la dichotomie entre « progressistes » et « populistes ». Encore faut-il montrer clairement qu'une troisième voie est possible. Si François-Xavier Bellamy ne veut pas passer, aux yeux des Français, pour un leurre destiné à les abuser, il devra mettre tout son talent, non pas à se distinguer de Macron, mais à sortir du bain d'équivoques où il a accepté de plonger.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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