Dans l’a-civilisation des prénoms et du tutoiement généralisé qui est, hélas, la nôtre, le patronyme (peut-on encore l’appeler, comme jadis et même encore naguère, « nom de famille », tant LA famille se conjugue désormais au pluriel, selon les oukases délirants des grands prêtres sociétalistes de la déconstruction) a du plomb dans l’aile, surtout s’il est de consonance, voire de vieille souche française (y compris d’assimilation, comme en attestent les nombreux noms déjudaïsés sous Napoléon par son fameux décret impérial du 20 juillet 1808 proscrivant tout "nom tiré de l’Ancien Testament […]. Pourront être pris comme prénoms ceux autorisés par la loi du 11 germinal an XI").

En terre armoricaine, il y a quelques mois, en septembre 2017, une famille bretonne fut victime d’une véritable discrimination. Ces Finistériens enracinés avaient été déboutés par la Justice qui leur refusait la possibilité d’attribuer le prénom Fañch à leur fils, au prétexte que le tilde ne figure pas légalement parmi les « signes diacritiques » – le ç, le ù, le à, le é, etc. – consignés dans la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil (Ouest-France, 28 septembre 2017).

Semblable mésaventure vient d’arriver aux parents du petit Derc’hen, qui n’ont pu orthographier ainsi (avec l’apostrophe) le prénom de leur enfant né au mois d’août dernier, le procureur de la République comme l’état civil de la mairie de Rennes s’étant opposés au "c’h" (Ouest-France, 23 janvier). Cette même municipalité n’avait, en revanche, jamais trouvé à redire en validant des prénoms africains tels que N'Guessan et Chem's en 2015 ou D'jessy en 2016.

Même L’Express (25 janvier), une fois n’est pas coutume, s’en est ému au point d’avoir osé ce commentaire plus familier sous la plume d’un journaliste de Boulevard Voltaire que sous celle d’un plumitif mal payé de cette presse perfusée à la publicité et aux subsides d’État : "La situation est donc ubuesque. Sur le sol breton, des prénoms d'origine étrangère seraient donc admis tandis que des appellations traditionnelles seraient refusées. On marche évidemment sur la tête."

Comment expliquer ce deux poids deux mesures, si ce n’est par la volonté délibérée des autorités publiques, locales et étatiques de privilégier, en toute impunité (tandis que la préférence nationale est allègrement poursuivie devant les tribunaux), une réelle préférence allogène, contribuant ainsi criminellement au changement de peuple.

Les pouvoirs publics encouragent ainsi la préséance manifeste des noms et prénoms exotiques ou américanisés sur ceux de souche française et européenne, pratiquée au nom du libre choix individualiste et narcissique des consommateurs-nomades, sans voir, comme le souligne Éric Zemmour, que "ces choix individuels – qui se croyaient libres de toute influence – se révélèrent encombrés d’arrière-pensées sociales et identitaires. Kevin ou Enzo devinrent les prénoms des classes populaires défrancisées, tandis que Louis, Pierre et Paul, les anciens prénoms traditionnels, s’embourgeoisèrent" (Le Suicide français, Albin Michel, 2014).

Cela fait belle lurette qu’à Rome, personne ne fait plus comme les Romains. Certes, au nom d’une conception épidermique et exacerbée de la nation, la République a exagérément unifié, uniformisé, homogénéisé. Aujourd’hui, c’est au nom de l’État de droit qu’elle a sublimé la souveraineté de l’individu tout en déconstruisant et en ringardisant le roman national assimilateur.

Son impératif universalo-kantien de « vivre ensemble » commençant à devenir un cauchemar, tout un chacun se retranche, désormais, dans le fort Chabrol de ses identités reconstruites. La France, autrefois hérissée de libertés (y compris provinciales), devient une peau de chagrin, façon léopard.

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26 janvier 2018 à 23:28

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