Et la (vraie) droite maintenant ?

En ce lendemain d’élection, on pourrait trouver une annonce sur leboncoin : « Idées de droite, très peu servi, cherchent preneur. Faire offre. Professionnels s’abstenir » ou bien, sur le site de la SPA : « Électeurs de droite abandonnés sur une aire d’autoroute cherchent maître de confiance. Dociles et bien dressés, ils en seront l’ami fidèle ».

La droite - la « vraie » droite - est passablement paumée.

François Fillon a fait sa Delphine de Nucingen, ingrate et hautaine, dans le monde, avec l’humble Père Goriot qu’est Sens commun, mais toute disposée, dans l’intimité, à accepter son aide et son magot électoral, aussi médiatiquement honteux que celui-ci soit.

Quant à Marine Le Pen… elle n’a pas voulu, ni su, complètement s’emparer d’elle. Face à Macron - qui capitalisait les voix de la gauche et du centre, LA stratégie semblait être de ratisser bien à droite, une large part de son programme (sociétal, identitaire, culturel et même patrimonial) s’y prêtant, d’ailleurs, assez bien.

Elle n’a pas « voulu » car si elle a indéniablement envoyé quelques signaux, elle s’est plus volontiers appliquée à attirer l’électorat mélenchoniste. Il faut dire que les frilosités bourgeoises d’un certain électorat, qui fait toujours mine de tremper le bout de l’orteil dans les eaux du FN mais ne se résout jamais tout à fait à y plonger, la lassent et l’agacent. Puis au FN comme ailleurs, un électeur de gauche semble tellement, par essence, plus séduisant, sexy, rock’n'roll que son alter ego de droite que l’on finit par se persuader que son bulletin pèse plus lourd. Les reports ne peuvent être, à la fin, que décevants.

Elle n’a pas « su » car le débat a profondément dérouté et dégoûté cette droite des valeurs qui a une certaine idée de la France et donc de son représentant. France du mérite faisant souvent partie des (modestes) notables de son quartier, elle commet un petit suicide social en ralliant le FN. Pour faire le grand saut, elle doit être sûre de trouver, à l’arrivée, une amarre solide dont la stature est à la hauteur du sacrifice consenti. Il est humainement compréhensible et normal que Marine Le Pen ait été fatiguée, stressée, se soit emmêlé les pinceaux. Il est injuste de la juger dans son entier sur la prestation d’une soirée. Il est illogique de la décréter plus vulgaire que Macron, quand on sait « celles et ceux » que celui-ci trimballe dans ses valises, le plug anal d’Anne Hidalgo n’étant pas, par exemple, la fine pointe de la classe et de la distinction.

Mais la politique n’est ni humaine ni juste ni logique. Surmonter le mur d’opprobre dont fait l’objet le FN exige une figure de proue non pas « normale » mais extraordinaire.

Disons-le, il n’est pas certain - même si l’oubli, en politique, existe - que l’image de Marine Le Pen s’en remette. Les fans du film Seven diront que la politique française, ces dernières années, est frappée par une justice immanente. À chaque fois qu’un présidentiable sombre, mutatis mutandis, c’est par le « vice » originel de son parti : le libertaire DSK par la luxure. Le libéral Fillon par le lucre. La populiste Le Pen par la gouaille populacière. Fillon avait donné le sentiment de « récidiver » en acceptant les costumes, Marine Le Pen est elle aussi « retombée » en faisant la fête, dimanche soir, comme une candidate du bac soulagée. Si la victoire de Macron - elle l’a assez répété - est une catastrophe pour la France, comment pouvait-elle avoir le cœur de s’amuser ? Certains, pour la suivre, ont franchi le Rubicon, ce n’était pas pour danser sur David Guetta.

La France de droite reste un cœur à prendre. De quelque horizon qu’il vienne, celui qui se donnera les moyens de la séduire, non seulement pour sa dot électorale, mais par amour, vrai et profond, de ce qu’elle est, sans chercher à la cacher ni à la changer mais au contraire en lui déclarant publiquement sa flamme, aura tout gagné.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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