Le rapport sur la « voie professionnelle scolaire » a été remis au ministre de l’Éducation nationale jeudi 22 février. Plusieurs aspects sont à regretter dans ce rapport.

Tout d’abord qu’il soit remis après celui sur le baccalauréat général et technologique. Un des principaux problèmes de l’école, en France, est la hiérarchie entre les différentes voies de formation. La voie professionnelle est très clairement perçue comme une voie de relégation, une formation par défaut. De bons élèves qui pourraient être intéressés par une formation professionnelle l’évitent ; des collégiens peu à l’aise dans l’abstraction et qui pourraient s’épanouir dans cette voie préfèrent poursuivre en voie générale et, souvent, y sont malheureux, voire échouent ; seuls les élèves en échec s’orientent vers la voie professionnelle avec la motivation qu’on devine. Tout cela sous la pression des parents et des professeurs. S’attaquer d’abord à la rénovation de la voie professionnelle avant celle de la voie générale et technologique aurait été le premier signal symbolique d’une volonté de revalorisation de celle-là.

Le deuxième aspect regrettable est le jargon pédagogiste et politiquement correct dans lequel il est rédigé. Dans un même paragraphe de cinq lignes (page 8), il réussit le tour de force de parler d’intelligence artificielle, de transition écologique et de "bien vieillir". Un peu plus bas, de la nécessité de lutter contre les stéréotypes de genre et de nécessaire "innovation pédagogique".

Le troisième regret est qu’il ne remet pas en cause la réforme précédente qui avait aligné l’organisation du lycée professionnel sur celui du lycée général. Jusqu’ici, le lycée professionnel durait quatre ans, avec le passage d’un diplôme intermédiaire, avant le baccalauréat, que ce soit le CAP ou le BEP. Si cela a été profitable pour un petit nombre d’élèves, beaucoup ont de la difficulté à faire, en trois ans, ce pour quoi leurs prédécesseurs avaient quatre ans. Il ne remet, d’ailleurs, pas en cause non plus la dénomination de « baccalauréat » pour le diplôme délivré. Les rédacteurs du rapport préconisent, ainsi, de conserver à ce diplôme sa double nature de diplôme destiné à entrer ensuite dans le monde du travail et à poursuivre des études supérieures. La quadrature du cercle, en quelque sorte. Ces deux impasses montrent que, comme d’habitude, on ne conçoit l’excellence dans la formation professionnelle que sur le modèle du lycée général. Comme s’il ne pouvait y avoir des excellences diverses.

Les maux de la formation professionnelle initiale sont connus, et le rapport en pointe certains.

Les lycées professionnels sont dirigés par des chefs d’établissement issus de l’enseignement général le plus souvent. Il y a aussi, souvent, une distance, voire une méfiance, entre les enseignants de disciplines générales et les enseignants de disciplines professionnelles. Et si les professeurs des disciplines professionnelles viennent souvent du monde professionnel, après quelques années, ils ne sont plus toujours en phase avec les évolutions de leur profession d’origine.

Dans certains métiers, la profession est peu organisée et s’intéresse peu à la formation. L’apprenti y est souvent considéré comme une main-d’œuvre bon marché.

Par ailleurs, des modèles d’excellence existent. On peut penser aux lycées hôteliers, aux compagnons du Tour de France, aux écoles supérieures d’arts appliqués (Boulle, Estienne, Olivier de Serres, etc.). La proposition de Campus des métiers et de la qualification s’en inspire un peu, semble-t-il. Ces formations sont diverses, aussi diverses que les métiers auxquels ces filières forment.

Esquissons une réforme possible de l’enseignement professionnel.

D’abord, une séparation d’avec l’Éducation nationale. Elle sait mal le faire. Après tout, l’enseignement agricole dépend du ministère de l’Agriculture. Confions cette formation aux branches professionnelles. Elles ne pourront plus se désintéresser de la question et devront prendre en charge les apprentis ou les élèves. Elles ne sont pas organisées pour cela ? Il faudra bien qu’elles le fassent si elles veulent trouver des employés formés. Et ils seront formés selon leurs besoins. Sans doute faudra-t-il un contrôle de l’État pour éviter des dérives toujours possibles. Mais cela ne signifie pas nécessairement que l’État soit maître d’œuvre de cette formation ni que ces formations suivent nécessairement le même modèle.

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25 février 2018 à 18:59

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