Depuis une semaine que la vidéo du lycée de Créteil tourne en boucle sur les écrans et dans les têtes, la chose est entendue : l'académie de Créteil est une drôle de France, si c'est encore la France. On n'ose encore le dire comme ça. Mais Martine Aubry ne devrait pas tarder à donner son imprimatur.

L'état des lieux est connu depuis longtemps, notamment par les enseignants qui y sont passés, ceux qui veulent en partir ou ceux qui font tout pour éviter d'y aller. La pénurie de recrutements dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis au niveau des professeurs des écoles ou dans l'académie de Créteil pour le second degré est un fait avéré. Et les raisons en sont évidentes : insécurité, violences, communautarismes, islamisation, immigration, abandon de l'administration.

Mais un énième rapport de l'institution dirigée par M. Blanquer vient se pencher, sans jamais regarder les causes de fond, sur les mauvais résultats des élèves des collèges franciliens défavorisés. Il faut saluer le sens du timing Rue de Grenelle. À l'heure du #PasDeVagues, un rapport vient chercher les causes des mauvais résultats des élèves chez... les enseignants !

Donc le CNESCO (Conseil national de l'évaluation du système scolaire) nous révèle que les enseignants des collèges difficiles sont, beaucoup plus que dans les collèges de Paris ou de Neuilly, des jeunes, des contractuels, rarement des agrégés, etc. Enfonçage de portes ouvertes. Pour ces doctes pilotes du système, c'est une cause de l'échec dans ces collèges, pas une conséquence. Décidément il va falloir en revenir aux fondamentaux, et jusqu'au plus haut niveau du ministère ! Le doute s'insinue un peu puisque l'un des membres dudit conseil vient infirmer la causalité officielle en reconnaissant que ces enseignants, jeunes, contractuels, ont souvent plein de qualités. Mais alors, où est la cause ?

Il y a tout de même un chiffre intéressant, au milieu de tous ces pourcentages, c'est celui du « vrai » niveau des élèves. Car, officiellement, la différence de réussite au brevet est minime : 90 % côté beaux quartiers, contre 82 % pour les autres. Si l'inégalité entre le XVe et Sevran n'est que de cet ordre, en effet, il faut d'urgence licencier tous ces observateurs. Mais, justement, lesdits observateurs sentent bien que ces taux à la soviétique cachent l'ampleur du désastre et ils ont donc eu la bonne idée de comparer les résultats aux épreuves finales écrites. Verdict ? Non plus 4-5 points de différence, mais des écarts allant du simple au double ! Si l'on ne se fondait que sur ces notes, seuls 56 % des collégiens de Paris, Neuilly et Boulogne auraient l'examen (ce qui, au passage, en dit long sur le niveau de la progéniture de nos élites...) et 23 % dans les quartiers défavorisés. La machine à casser le thermomètre se met à reprendre vraiment la température, le temps d'un paragraphe ! Le ministère prouve lui-même que le contrôle continu ne sert qu'à masquer le vrai niveau. Au moment même où M. Blanquer impose ledit contrôle continu dans sa réforme pour le bac ! Cherchez l'erreur.

Mais nos enquêteurs, une fois admise LA seule cause de l'échec scolaire dans ces quartiers, à savoir le turnover et l'inadaptation des enseignants, proposent quelques solutions. Après le catalogue de bonnes intentions habituel (tutorat, place en crèches, etc.), la tout aussi attendue panacée : la formation. Et une idée de génie : un module de « formation aux codes culturels » du quartier ! Vous pensiez que l'enseignement avait pour but d'amener les collégiens français vers la culture française. Ben non, au ministère, on songe sérieusement à adapter les enseignants aux codes culturels de la cité !

Et puis cette dernière idée, avancée par un certain Louis Maurin :

« Il faudrait aller encore plus loin : “pourquoi pas en affectant de manière contrainte les enseignants dans des établissements difficiles pour une période de 5 ans”. »

Ben oui, y a que ça qui marche, la contrainte ! Et d'abord, pour les enseignants, cela va de soi. De quoi attirer en masse les candidats aux concours d'enseignement.

Elle est pas belle, la vie d'un professeur sous M. Blanquer ?

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24 octobre 2018 à 15:00

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