L’élection de George Weah à la tête du Liberia interpelle sur trois questions majeures. L’élection d’un candidat hors système répond-elle à une logique de bouleversement de l’architecture politique en Afrique ? Quels sont ses enjeux pour le Liberia et pour l’Afrique ? Enfin, de quels types de dirigeants le continent a-t-il aujourd’hui besoin pour sortir de ses difficultés ?

Son élection semble s'expliquer par trois causes. La première est liée au bilan médiocre du camp sortant, dont les résultats notamment économiques ont déçu plus d’un. Le pays est dans une situation socio-économique et humanitaire des plus précaires, qui n’a fait que s’aggraver avec l’épidémie d’Ebola. La deuxième est à rechercher dans la dynamique de plus en plus forte de défiance des populations africaines face à des élites de moins en moins crédibles, corrompues, occidentalisées et incapables, depuis plus de la moitié d’un siècle d’indépendance, de mettre en perspective des politiques de développement cohérentes, réfléchies, endogènes et privilégiant les intérêts nationaux. La troisième raison est liée à une volonté des Libériens, jeunes en majorité, de rechercher des voies alternatives et d’expérimenter de nouvelles solutions.

Mais cette élection, malgré son caractère symbolique et les espoirs qu’elle fait naître au Liberia et en Afrique, notamment par rapport à la possibilité de promouvoir l’avènement d’un nouveau profil de dirigeants africains, me rend dubitatif pour plusieurs raisons. La première tient au fait que l’élection de l’ancien sportif à la magistrature suprême libérienne a été possible grâce à son alliance avec des partis dont certains, peu crédibles, ont été des acteurs majeurs de la guerre civile libérienne. Ce conglomérat sans programme sérieux pourra difficilement créer de la prospérité.

La deuxième semble s’expliquer par la personnalité même de monsieur Weah, grand footballeur certes, mais dont le bagage intellectuel, apparemment, ne semble pas des plus convaincants. Or, être président de la République est une fonction grave, sérieuse, qui nécessite des qualités intrinsèques dont les deux premières me semblent être le savoir au sens large qui renvoie à la connaissance académique, à l’expérience pratique, à la morale, et la condition physique. Être chef d’État, c’est avoir une vision, savoir poser des actes majeurs au plan économique, être en mesure de conduire les hommes et donner au reste du monde une image d’homme mûr au plan diplomatique, parfois technique, sur des questions importantes.

Il est à craindre que cette expérience fasse tache d’huile sur le continent et aiguise les appétits de sportifs sans formation, auréolés de gloire sur les terrains, riches mais peu préparés à l’exercice de la gestion de la chose publique. Le risque immédiat, c’est de voir ces derniers s’ériger en uniques dépositaires des intérêts supérieurs des nations africaines.

Au-delà des apparences, l’élection de Georges Weah à la tête du Liberia devrait amener le pays, l’Afrique, et dans une certaine mesure le monde, à définir les profils types de personnes qui briguent les magistratures suprêmes des pays. Le président idéal, selon nous, devrait avoir les qualités ci-après : fort dans le respect des prescriptions divines, instruit, visionnaire avec un bon sens de l’anticipation, stratège et organisé, travailleur, favorable à l'innovation et déterminé, avec un cap clair sur les objectifs à atteindre; fier de son africanité, comptant d’abord sur ses propres forces et ayant une préférence marquée pour tout ce que produit son continent ; homme de paix, patient, pédagogue et sachant pardonner ; discipliné, respectueux de l’environnement, de la chose publique, des institutions et des règles.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:41.

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30 décembre 2017 à 9:30

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