Emmanuel Macron va-t-il envoyer des soldats français soutenir les Kurdes ?

Une délégation arabo-kurde a été reçue, le jeudi 29 mars à l’Élysée, par le Président Macron. Les communiqués publiés à l’issue de cette rencontre sont pour le moins contradictoires.

Les Kurdes, par la voix de Khaled Issa, affirment que la France va envoyer des hommes à Manbij pour dissuader les Turcs d’attaquer cette ville qui marque le début de la zone autonome kurde, appelée le Rojava.

Les propos de l’Élysée sont bien différents : il ne s’agit que de rappeler le soutien diplomatique de la France, ce qui n’engage pas à grand-chose… En outre, proposition est faite de jouer les médiateurs entre la Turquie et le parti kurde qui administre la Rojava sous protection américaine.

Cette dernière offre a été rejetée avec mépris par la Turquie, qui déclare qu’il n’y a pas à discuter avec les terroristes et qu’aucune autonomie kurde ne sera tolérée le long de la frontière turque. Qu’il est loin, le temps où les Kurdes étaient les hommes de main des Jeunes-Turcs pour massacrer Arméniens et Assyro-Chaldéens !

Il est, en fait, peu probable que le Président Macron s’engage dans un soutien militaire actif en faveur des Kurdes. Depuis le début de la guerre, ce sont les Américains qui se sont appuyés sur les Kurdes pour combattre l’État islamique et, accessoirement, prendre possession des champs de pétrole et de gaz syriens à l’est de l’Euphrate. La France, tout en entretenant de bonnes relations avec les Kurdes, n’a jamais franchi la ligne du soutien officiel vers une autonomie. Il ne faut tout de même pas couper les ponts avec le sultan Erdoğan…

L’ineffable François Hollande a beau jeu, aujourd’hui, de critiquer la passivité française face à l’attaque turque d’Afrine : les djihadistes de l’ASL, supplétifs des Turcs dans ce combat, ont été armés clandestinement dès 2013 par la France, sur ordre du même Hollande.

Les Kurdes ont choisi l’alliance américaine, pensant que c’était le meilleur parapluie pour obtenir l’autonomie. Mais les États-Unis les ont lâchés lors de l’attaque d’Affine.

Dans le fond, chacun sait qu’un soutien direct aux Kurdes leur permettant d’accéder à l’autonomie embrasera le nord de la Syrie. Personne ne prendra ce risque pour un peuple qui n’a jamais su s’unir pour prétendre accéder à une quelconque indépendance. L’échec piteux du référendum au Kurdistan irakien en est un exemple supplémentaire. La ville emblématique de Kirkouk a été reprise en une journée par l’armée irakienne en raison des divisions des Kurdes qui ont renoncé à la défendre.

Le vrai enjeu à venir est la ville de Manbij, située au début de la zone autonome kurde. Erdoğan l’a présentée comme son prochain objectif. Le problème, c’est que des soldats américains y sont en poste et l’on voit tout de même mal l’armée turque risquer de tuer des soldats américains…

La diplomatie a donc encore son rôle à jouer, mais on voit mal comment les Kurdes pourraient en tirer bénéfice.

Le Kurdistan syrien n’est pas pour demain.

Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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