Si Emmanuel Macron est, à ce qu’on dit, un séducteur compulsif, il semble toutefois plus assuré dans ses choix que son prédécesseur. François Hollande en a encore fait la démonstration lors des deux cérémonies officielles de la semaine : le jeune traître d’hier est le meilleur ami d’aujourd’hui, le couteau dans le dos n’était qu’une tape amicale, embrassons-nous, Folleville, aimons-nous plus qu’hier et bien moins que demain… Bref, Hollande demeure fidèle à sa nature : se renier sans cesse pour dire oui à chacun et finir (pauvre girouette) honni de tous. Ainsi aura été son quinquennat de Président « normal ».

Cette nature, Macron semble la détester. C’est, à l’entendre, une image repoussoir et il n’a pas manqué, échaudé par l’affection embarrassante du Président sortant le 8 mai, de se planquer le 13 pour éviter les papouilles hollandaises.

Ayant réussi à l’être, Emmanuel Macron veut maintenant « faire » Président, c’est-à-dire incarner la fonction. Il ne faudra pas attendre d’escapades en charentaises et en scooter pour un tour rue du Cirque, pas de bonhomie triviale : il veut prendre de la hauteur. "Je ne crois pas au Président “normal”. Les Français n'attendent pas cela. Au contraire, un tel concept les déstabilise, les insécurise", dit-il. Au cas où l’on n’aurait pas compris, il précise : "Une présidence de l'anecdote, de l'événement et de la réaction banalise la fonction », elle « ne permet pas de se réconcilier avec le temps long et le discours du sens." Enfin, comme les Français n’aiment pas non plus les petits surexcités teigneux type Sarkozy, il rêve d’incarner une présidence très régalienne "de type gaullo-mitterrandien".

De ce fait, il se pourrait que le nouveau Président renoue avec la tradition et endosse les rôles que l’Histoire lui confère. Parmi ceux-là, les titres honorifiques attachés à la fonction et qu’a dédaignés ostensiblement François Hollande. À commencer par celui de "premier et unique chanoine honoraire de l’archi-basilique de Saint-Jean-de-Latran", à Rome, "considérée comme la mère de toutes les églises de Rome et du monde", rappelle le site Aleteia. Le jeune patron du mouvement En marche ! étant allé à Orléans, voilà tout juste un an, chevaucher aux côtés de Jeanne d’Arc, on ne serait pas étonné qu’il vienne à Rome prendre possession de ce titre prestigieux hérité des rois de France… Peut-être n’entrera-t-il pas à cheval dans Saint-Jean-de-Latran, bien que les chefs d’État français en aient le privilège depuis 1604, mais sait-on jamais…

Une présidence de type gaullo-mitterrandien, donc. Qui retrouve son apparat, sa hauteur. Pourrait-on dire, alors, que Macron est totalement "décomplexé", au sens où il serait débarrassé de tous les oripeaux soixante-huitards de ses récents prédécesseurs ?

De Gaulle était né en 1890, Mitterrand en 1916. Le hobereau Giscard, 42 ans en mai 68, lança la mode des petits déjeuners chez les éboueurs et de l’accordéon musette à l’heure de l’apéro. Mitterrand, qui a pris le pouvoir à gauche, était l'authentique bourgeois d’une droite conservatrice et policée. Il fréquentait beaucoup les alcôves mais ne serait jamais allé visiter ses maîtresses en deux-roues. Quant à Sarkozy et Hollande, ils ont vécu leurs premiers émois d’adolescents dans la chienlit du printemps 68, roucoulé en cherchant sous les pavés la plage, cru livrer des batailles héroïques en tutoyant leurs enseignants.

Emmanuel Macron avait 3 ans ½ quand Mitterrand a pris le pouvoir. On peut imaginer alors qu’il se sent libre d’incarner l’autorité et de mettre en tout de la distance.

"Quand on préside, on n'est pas le copain des journalistes", a-t-il lancé quand a surgi le livre des confidences hollandaises aux journalistes du Monde.

Nous verrons bien s’il tient parole…

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11 mai 2017 à 20:20

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