L'Aquarius, les réactions d'Emmanuel Macron, le refus italien, l'accueil espagnol ont mis en lumière l'extrême difficulté d'une politique migratoire qui, précisément, a pour faiblesse de ne pas être une politique - un réel qu'on affronte et qui contraint à une appréhension non équivoque - mais un humanisme empêtré.

La France, initialement, face au défi posé par l'Aquarius avec ses plus de six cents migrants, ne bronche pas et, à l'exception de généralités généreuses, n'a pas fait mine ni n'a eu l'intention de les accueillir.

En revanche, le ministre de l'Intérieur italien et chef de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, s'étant vigoureusement opposé à cet accueil par l'Italie - à l'encontre du respect du droit international, si on suit l'appréciation de notre Président -, a été vertement sermonné par ce dernier, qui a dénoncé "la part de cynisme et d'irresponsabilité".

Petits remous diplomatiques. L'Italie est offensée. Matteo Salvini, sur un mode ironique, s'adresse à Emmanuel Macron : 'Emmanuel, si ton cœur est si grand que tu le dis, nous te donnons 9.000 personnes à accueillir."

Apaisement apparent.

Le président de la République reçoit à l'Élysée Giuseppe Conte, le chef du gouvernement italien, et à l'issue de la rencontre, un communiqué est publié qui fait état de la parfaite entente, pour la politique migratoire, entre l'Italie et la France.

Enfin, celle-ci accepte d'accueillir certains migrants de l'Aquarius après que leur situation aura été examinée par les autorités espagnoles.

Le moins qu'on puisse souligner est que le processus que j'ai décrit sommairement ne démontre pas une grande cohérence de la position française.

Sans doute les limites du "en même temps".

Il y a un moment où le "en même temps" n'est plus possible : quand le choix sort de la pensée et de la préparation de la décision pour devoir se lester de réalité et d'opératoire, quand l'acte est la conséquence nécessaire.

Il me semble que, dans ces péripéties liées aux migrants, la critique acerbe, jugée maladroite par beaucoup, à l'encontre du ministre Salvini par Emmanuel Macron a été perçue comme choquante parce qu'elle visait seulement à compenser, sur un plan confortablement éthique, une inaction concrète parfaitement explicable si on avait le courage de l'assumer. Son verbe n'était plus un complément mais servait de substitution.

En l'occurrence, il n'y avait pas, dans ce "en même temps", une richesse mais une fragilité, une prétention à vouloir gagner sur deux tableaux et donc, au fond, à perdre sur les deux. Certes, il était commode de s'en prendre à Matteo Salvini, qui est étiqueté comme un Créon détestable, un populiste de très mauvais aloi.

Ce qui est incontestable, en tout cas, tient au fait que l'Espagne comme l'Italie ont décrété une action, dure ici, généreuse là, et ont mis en œuvre un choix, ont arbitré en excluant. Le président de la République, se voulant aux antipodes du décret italien, n'était pas non plus en accord avec l'humanisme espagnol. Il a tenté de picorer et, en définitive, a oscillé. Parce qu'il a été confronté aux limites du "en même temps".

Sa politique migratoire a peur, globalement, de la brutalité comme elle craint la douceur espagnole socialiste.

Peut-être n'est-il pas à l'aise avec ces domaines pourtant capitaux où l'intelligence n'est pas la clé de tout et ne permet pas de répondre sur un mode équivoque à un réel ostensiblement univoque ?

Il y a aussi, surtout, le recours à l'Europe qui autorise, pour chaque État, et la France au premier chef, une argumentation qui décharge des responsabilités nationales en renvoyant la solution vers l'Europe, aux calendes grecques si j'ose dire, quand elle sera capable de rapidité, d'efficacité et de cohérence. Autant dire qu'attendre l'Europe pour une politique migratoire commune revient à ne rien accomplir, ou quasiment, dans le registre national.

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19 juin 2018 à 7:00

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