Quand Emmanuel Macron joue au cabot de théâtre

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On ne sait si Emmanuel Macron, selon le mot de Maupassant, fut "cabot à la naissance", mais il l’est rapidement devenu. C’est en faisant du théâtre qu’il connut celle qui allait devenir son épouse. Pendant toute sa campagne, il a calculé ses attitudes. En traversant l’esplanade du Louvre, le soir de sa victoire. En remontant le tapis rouge, le jour de son investiture.

Récemment, un documentaire télévisé le montrait, sur le perron de l’Élysée, regardant toujours droit devant, sans jamais baisser la tête, contrairement à ses prédécesseurs, comme si sa fonction lui conférait d’office une supériorité qu’il se devait d’affirmer. Mais l’habit ne fait pas le moine : le comédien cache mal, malgré tout son art, les faiblesses de l’homme.

Les circonstances de la démission du général de Villiers en sont un exemple. Emmanuel Macron a mis en scène sa remontrance, il a recadré en public le chef d’état-major des armées au lieu de s’expliquer avec lui dans son bureau. "La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires", aurait dit Clemenceau. Notre Président se prendrait-il pour un tigre, lui qui rappelle sans cesse qu’il est le chef des armées ?

Quand on éprouve le besoin d’affirmer ainsi son autorité, c’est qu’elle ne va pas de soi, c’est, paradoxalement, un aveu de faiblesse.

Si la Constitution de la Ve République précise bien que "le Président de la République est le chef des armées", il n’en reste pas moins qu’il doit s’entourer des avis de personnes compétentes, qui ont l’expérience de la guerre et des moyens nécessaires pour la mener efficacement. Il ne suffit pas de prendre des airs martiaux pour devenir un chef de guerre.

Emmanuel Macron, tout comme ses prédécesseurs, s’est rendu sur l’étape du Tour de France. Alors qu’il se targue de ne pas répondre aux journalistes sur des questions qui n’ont rien à voir avec son déplacement, il n’a pu s’empêcher d’attaquer, une dernière fois, l’ancien chef d’état-major des armées.

Non pas directement, à la loyale, mais d’une manière détournée. Il a commencé par rendre hommage au général de Villiers, "un militaire de grande qualité", ajoutant même, comme si sa sincérité pouvait être mise en doute : "Je veux vraiment lui rendre hommage."

C’était pour mieux assener ses coups, en évoquant la nomination du général Lecointre : "Il aura non pas un budget à défendre, parce que ce n'est pas le rôle du chef d'état-major, c'est le rôle de la (sic) ministre des Armées." Le nouveau chef d’état-major des armées n’a qu’à bien se tenir s’il ne veut pas subir à son tour les foudres du Jupiter élyséen.

Jeudi après-midi, à la base aérienne d’Istres, il s’est montré plus prudent, arrondissant les angles : il a rendu hommage au général de Villiers qui "a souhaité passer la main", réaffirmant son objectif de porter à 2 % du PIB le budget de la Défense – à l’horizon 2025 –, tout en qualifiant la coupe de 850 millions, pour 2017, de "décisions de gestion", le tout accompagné d’un zeste de démagogie à l’égard des familles des militaires.

Emmanuel Macron a beau utiliser toutes les recettes du cabotinage, il ne pourra dissimuler longtemps sa véritable nature. Tout sonne faux quand il se prend pour Jupiter et oublie qu’il n’est qu’un homme, lancé comme un produit, à grand renfort de marketing.

Il mettra sans doute du temps à reconquérir la confiance de l’armée, mais il ne perd pas de temps à perdre celle des Français, qui n’ont guère envie de l’applaudir. Ses députés mêmes commencent à se demander à quoi ils servent !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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