« Emmanuel Macron développe un discours convenu anti-prison lassant, mais certaines mesures sont très positives »

Emmanuel Macron vient de présenter ses réformes visant à désengorger les prisons. Relèvent-elles d'un pragmatisme salutaire ou, au contraire, sentent-elles le progressisme idéologique habituel ? Philippe Bilger réagit.

Je ne dis pas que toutes les propositions sont mauvaises, comme l’interdiction de la prison pour un mois et l’aménagement qu’il souhaite quasiment automatique de un à six mois, par exemple.
Je ne suis, néanmoins, pas persuadé que ce soit la meilleure méthode pour lutter contre la surpopulation carcérale.
Et je suis, surtout, gêné par le discours qu’il développe pour défendre tout cela. Il nous sert un peu le discours convenu anti-prison. On nous parle d’indignité. On nous dit que c’est terrible et que la prison est responsable de tout. Pourtant, la prison ne crée pas les crimes et les délits. Il y a donc toute une part de gauche convenue, de pensée faussement progressiste où il n’invente pas de nouveaux chemins. Il s’installe, au contraire, dans une sorte de mansuétude progressiste qui est lassante.
On a compris quel lobby l’entoure et qu’il en est imprégné.

Et puis, à côté de cela, il y a des choses très positives. Il suffit de voir les mesures. J’appelle cela réalisme de droite. Je ne parle pas, simplement, des vœux pieux qui consistent à dire qu’une peine prononcée doit être exécutée. C’est le fond des discours de tous les présidents de la République. Peut-être que cette résolution deviendra du concret avec lui, mais il y a surtout deux ou trois petites choses qui m’intéressent beaucoup. Par exemple, il veut réduire le rôle du juge de l’application des peines. Il fait passer le quantum de deux à un an. Rappelez-vous la funeste loi Dati.
Il dénonce, surtout, la perversité absolue d’un système où un jugement de correctionnelle puisse être immédiatement dénaturé et aménagé au sortir de l’audience. J’ai bien aimé qu’il dénonce cette absurdité. Si j’ai bien lu, un tribunal aura le droit, maintenant, en énonçant une décision, d’en définir les modalités d’exécution.

N’essaye-t-il pas, ainsi, de contenter tout le monde en même temps ?

On est très loin de l’idéologie de Taubira. Il ne s’inscrit pas dans cette continuité. C’est un pragmatique. Son pragmatisme peut parfois s’égarer. Avec son prisme progressiste anti-prison, par exemple.
Mais, pour le reste, il est réjouissant de voir un président de la République battre en brèche de vieilles lunes, même s’il en maintient d’autres. En tout cas, ce n’est jamais médiocre ni indifférent.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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