Du 18 au 21 juin, Emmanuel Macron nous a donné une caricature évocatrice de sa présidence du « en même temps ». Il se veut un adepte du kaïros, du "moment opportun", qui a théorisé une présidence de la verticalité et de la distance à l'égard du verbiage des médias et des réseaux sociaux.

Or, l'épisode du "Ça va, Manu ?", où le Président a rabroué un jeune qui s'adressait à lui familièrement, fissure paradoxalement ce vernis de présidentialisation verticale qu'il disait vouloir réinstaurer.

Pas tellement par l'acte lui-même. On a noté la forme, qui n'avait pas la vulgarité du style de Nicolas Sarkozy. Pour le fond, l'acteur Jean Dujardin a très justement rapproché les propos présidentiels de répliques cultes d'OS 117, comme un éditorialiste l'avait déjà souligné il y a un an, au début de sa présidence.

Mais d'abord par tout l'emballage de communication dont l'événement a été habillé par la présidence : selfies, tweets, vidéo publiée sur les réseaux sociaux, avec des conseils : "Regardez jusqu'au bout !" Nous sommes sur le compte Twitter du Président, un 18 juin... et le tweet du Président lui revient en boomerang : "Tu es là dans une cérémonie officielle." Retour en boomerang, aussi, avec l'idée d'un jeune informaticien, Maxime Bouveron, qui a inventé une extension au navigateur Chrome pour remplacer automatiquement les termes "Emmanuel Macron", "le président de la République" ou "Monsieur le Président" par "Manu". À force de trop jouer avec la com'...

Et il y avait certainement d'autres formes de communication à inventer pour une telle commémoration, un 18 juin, au mont Valérien. Le "kaïros" était mal choisi. Ce serait bien que Sibeth Ndiaye se penche sur le sujet, pour les prochaines fois. En tout cas, après Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Macron fournit lui aussi de précieuses indications sur ce que ne devra pas être ou faire le prochain Président.

De ce 18 juin 2018, le Président Macron a souhaité faire un coup de com' en faveur de sa personne. Il y a là une forme d'irrespect pour l'événement qu'il commémorait, et qui aurait bien besoin d'une pédagogie active auprès des Français. Car le discours du 18 juin lancé depuis Londres par un général dissident et rebelle contre les dirigeants de son propre pays ayant cédé aux exigences d'une puissance étrangère méritait mieux que ce buzz aplatissant et trivial du « Ça va, Manu ? ». En surexploitant cet incident au bénéfice d'une hypothétique « présidentialisation » de son chef, la communication de l'Élysée a, au contraire, abaissé la fonction.

Finalement, quand il se vautre dans la com' des selfies et des clins d’œil, et particulièrement un 18 juin, quand il transforme le perron et la cour de l'Élysée, le 21 juin, pour la fête de la Musique, en scène de musique électro, on peut rester sceptique sur la réelle volonté du Président de redonner son lustre à la fonction.

Il y a des lieux, des jours, des symboles où le « en même temps » n'est pas possible et, à trop piétiner ces dates et ces lieux, le Président Macron prend le risque qu'un jour, de très nombreux Français lui disent, chacun à sa façon, et plus ou moins élégamment : « Cela suffit, Monsieur le Président » ou « Casse-toi, Manu ! ». C'est aussi une forme de « en même temps » qui pourrait un jour surgir des urnes.

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22 juin 2018 à 13:24

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