Les élections législatives allemandes ont rebattu les cartes en Europe. Si d’aucuns, tel Éric Zemmour, estiment que la chancelière Merkel n’a pu obtenir qu’une victoire « à la Pyrrhus », en raison des immenses difficultés qu’elle devra affronter pour former une coalition « Jamaïque » avec des Verts prêts à se scinder en deux et des libéraux refusant les réformes de l’Union, sans oublier la CSU bavaroise de plus en plus critique à l’égard de la politique d’ouverture migratoire menée depuis quatre ans, reste que l’aînée des dirigeants de grandes démocraties trouve toujours une solution pour se sortir des mauvais pas dans lesquels le hasard et sa politique la portent. Au terme de ces longues négociations qui conduiront peut-être à l’officialisation de la coalition, la chancelière affrontera un chantier important pour l’Allemagne et pour nous autres Français : la construction européenne.

À première vue, la nouvelle configuration politique outre-rhénane devrait désavantager Emmanuel Macron, sinon compromettre les projets qu’il entend mener en Europe. Selon le journal Le Monde du 7 septembre dernier, Emmanuel Macron aurait même déclaré en off : "Si Merkel s’allie aux libéraux, je suis mort." Angela Merkel elle-même n’a pas montré un enthousiasme débordant pour les propositions portées par Emmanuel Macron, déclarant notamment que le temps n’était pas venu de trancher et que les discussions se poursuivraient un long moment autour de l’idée de création d’un gouvernement économique de la zone euro, avec un ministre et un budget propres. Peut-être craint-elle de faire capoter l’accord vital avec le FDP de Christian Lindner, lequel refuse la création d’un budget de la zone euro, synonyme pour ce parti, comme pour l’AfD, de transferts supplémentaires de liquidités vers une Europe du Sud perçue comme frivole et mauvaise gestionnaire ?

Ce qui se joue présentement est bien l’avenir de l’Union européenne et de la zone euro. Hyper-volontariste, porté par la philosophie de l’action de Paul Ricœur et le patriotisme constitutionnaliste de Jürgen Habermas, Emmanuel Macron est un Européen convaincu. Il cherchera donc à convaincre l’Allemagne que l’Union européenne est mourante parce qu’il n’y a pas assez d’Europe, pas assez de solidarité et d’horizon commun. Se posera donc une question : Emmanuel Macron échouera-t-il comme ces soviets qui voulaient plus de communisme pour ressusciter l’URSS ou trouvera-t-il dans son opposition à l’Allemagne les ressources pour relancer une Union au point mort, suscitant soupçons et inquiétudes ?

À la Sorbonne, le Président ne s’est pas dégonflé, osant défendre un horizon proche du fédéralisme, multipliant les propositions symboliques comme la création d’une Europe de la sécurité, supposément socle sur lequel asseoir une éventuelle souveraineté européenne, une Europe de la Défense autour d’une Force commune d’intervention, une Académie européenne du renseignement, une gestion collective des flux migratoires, une plus grande convergence législative ou bien encore une Agence européenne pour l’innovation de rupture. En prime, quelques démagogies majeures à l’instar du programme de formation et d’intégration pour les réfugiés. Un discours important au surlendemain d’une élection allemande marquée par la montée de sentiments eurosceptiques forts. Un discours qui aura au moins le mérite de la clarté, marquant un tournant de l’aventure européenne. Emmanuel Macron aura saisi l’occasion de l’élection allemande pour délivrer une idée, non sans arrière-pensées nationales.

Au défi allemand, Emmanuel Macron répond par l’offensive, prenant le risque de se découvrir et d’effrayer ses interlocuteurs. Trois solutions de sortie de crise s’ouvrent donc : la marche en avant vers l’Europe fédérale, le rétrécissement de l’Union européenne sur des objectifs plus réduits dans le sillage du Brexit ou le statu quo germanique.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:43.

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27 septembre 2017 à 14:30

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