L’affaire Vigano a de quoi troubler les fidèles catholiques. Les autres se contentent de pousser des clameurs d’indignation aux accents de pucelle effarouchée, trop heureux de dénigrer une institution bimillénaire. « Tous les curés sont pédophiles », c’est un air connu et répété. Qu’il soit permis à un chrétien de base d’exprimer un profond malaise.

L’affaire, c’est, pour mémoire, ce document de onze pages publié par l’ancien nonce apostolique aux États-Unis, Mgr Vigano, qui soutient pour l’essentiel avoir averti à plusieurs reprises le pape du comportement du cardinal McCarrick, archevêque de Washington, depuis les années 2000. Benoît XVI en premier lieu, qui aurait infligé à l’intéressé une lourde sanction jamais mise à exécution – ce qui ne laisse pas de surprendre -, François ensuite, en tête-à-tête dans son appartement privé, dès son élection en 2013. Et, selon Vigano, le pape actuel n’aurait pas tenu compte des éléments accablants présentés et aurait même couvert les agissements du prélat américain, avant d’être contraint à le démettre de ses fonctions il y a quelques semaines.

Ces déclarations déchaînent des passions dont il est difficile de juger des bonnes intentions. D’un côté, les opposants irréductibles au pape François, dont certains se livrent à des commentaires d’une profondeur philosophique remarquable : suppôt de Satan, franc-maçon, homosexuel, et j’en passe. D’autres, qui ne supportent pas la moindre objection à l’encontre du pontife, se dressent en gardiens du temple et refusent même que soit accordé le moindre crédit aux déclarations de Vigano.

Le Vatican a adopté la pire des défenses en pareil cas : le silence. Pourtant, comme le note Christophe Geffroy dans La Nef, "de deux choses l’une. Ou Mgr Vigano n’est qu’un affabulateur qui ment effrontément et alors le minimum à attendre de l’Autorité, c’est qu’il soit dénoncé […] Ou Mgr Vigano dit la vérité et nous avons là une affaire explosive qui ne pourra être traitée par la politique de l’autruche, pas plus qu’en essayant de le discréditer au prétexte qu’il serait “proche des milieux intégristes”. Toute théorie du complot n’a ici plus cours."

L’affaire est extrêmement grave, en effet. Elle révèle une fracture interne à l’Église catholique sur ces questions de mœurs, voire de crimes lorsqu’il s’agit d’actes de pédophilie, et la nécessité d’un grand ménage qui ne saurait attendre. Où que se trouve la vérité, elle a pour pendant une réalité effrayante : soit une hiérarchie qui couvrirait ces dépravations scandaleuses et ces crimes, soit une cabale prête à toutes les manœuvres pour nuire au pape. Aucune de ces options n’est tolérable. Dans les deux cas, la crise est très profonde.

Le paroissien du bout du banc sait pourtant quelle est la réalité d’une vie sacerdotale tout entière tournée vers les autres et le service de l’Église. Il connaît la vie quotidienne de ces curés qui font le choix radical de la pauvreté, de la disponibilité, de semaines harassantes, d’incessants déplacements d’un clocher à un autre, de visites aux malades et aux mourants, de catéchisme et de réunions, les heures passées au confessionnal à donner le pardon et la miséricorde aux pécheurs - et j’en passe. Loin de ces détraqués qui mettent des séminaristes dans leur lit, s’intéressent de trop près aux jeunes garçons et mènent une vie de débauche digne de la légende noire des Borgia.

"Mais si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en Moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspendît à son cou une de ces meules qu'un âne tourne, et qu'on le plongeât au fond de la mer" (Mat. 18,6).

Ce qui se passe est littéralement effrayant. Mais justice et vérité doivent jaillir, pour le bien de l’Église et la paix de ses fidèles.

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29 août 2018 à 9:22

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