Les écoles-ghettos sont-elles une fatalité ?

Si la carte scolaire affectait votre enfant dans un établissement défavorisé, de mauvaise réputation, un « établissement-ghetto » où se retrouvent les enfants des mêmes quartiers, majoritairement d’origine immigrée, avec de multiples nationalités, que feriez-vous ? Vous chercheriez, sans doute, à obtenir une dérogation en demandant une option rare ou, si vous en avez les moyens, vous changeriez d’adresse, soit en déménageant, soit en domiciliant votre enfant chez un parent ou un ami. Bref, vous déserteriez l’école publique de votre secteur pour une bonne école.

Un dossier publié dans Le Monde du 1er septembre 2017, montre, témoignages à l’appui, que ce phénomène touche même les parents les plus attachés à la mixité sociale. Un père raconte pourquoi il a déménagé de Saint-Denis pour Vincennes : "C’était ça ou le privé. Alors oui, c’est un peu faux-cul de partir pour se rapprocher d’un bon établissement, mais je n’avais pas vraiment le choix." Entre l’intérêt de l’enfant et le respect des principes, le choix est vite fait.

Bien sûr, des politiciens continuent de proclamer les vertus de la diversité ; des sociologues vantent, comme la panacée, l’hétérogénéité des classes et la pédagogie différenciée ; des formateurs des ESPE, voire des inspecteurs, défendent une école rassembleuse, se font les chantres du « vivre ensemble ». Mais ils se gardent bien de donner l’exemple : leurs recommandations s’appliquent surtout aux enfants des autres !

Les grands oubliés, ce sont les enfants des quartiers, comme on les appelle. Parmi eux, des « sauvageons », selon le terme de Jean-Pierre Chevènement qui fit scandale en 1999, mais aussi des jeunes déboussolés, mal intégrés, qui n’aspirent qu’à flanquer la pagaille. Ou, pire, des apprentis islamistes, comme en a témoigné récemment un ancien principal de Marseille, qui, eux, ont une boussole, s’entendant répéter partout "qu’il faut préférer la loi de Dieu à celle des hommes".

Mais il existe aussi, dans ces milieux, des familles qui veulent que leurs enfants puissent travailler et réussir leurs études. Bien que de confession musulmane, elles mettent, si elles en ont les moyens, leurs enfants dans des écoles privées catholiques. L’enseignement public ne leur offre que de rares internats d’excellence – que le ministre actuel semble vouloir relancer – et, dans quelques collèges, des options que Najat Vallaud-Belkacem qualifiait d’élitistes.

Devant cette situation, les uns, par idéologie, veulent favoriser la mixité sociale en réformant la carte scolaire et en imposant une affectation, quitte à faire parcourir aux élèves de longues distances. D’autres s’en accommodent, parce qu’ils ont une solution de rechange. D’autres, enfin, souhaitent l’autonomie des établissements, la fin de la sectorisation et la totale liberté des familles.

Mais l’autonomie, telle que la conçoit l’Éducation nationale, serait source de disparités supplémentaires et ne résoudrait pas le problème des établissements-ghettos : au contraire, elle enfermerait les élèves dans un projet d’établissement spécifique. Quant à une autonomie totale, débouchant sur la concurrence entre les établissements, elle signerait le triomphe du chacun pour soi.

Il est une autre solution, que semble envisager le nouveau ministre : rendre attractifs les établissements défavorisés. Y proposer l’excellence en créant des classes de niveau, des sections bilangues, des classes latin-grec… Ce qui inciterait les enfants des classes moyennes à y rester et aurait des effets d’entraînement et de prestige sur l’ensemble des élèves.

À condition – et ce n’est pas une mince affaire – de rompre avec l’égalitarisme, de rétablir les valeurs de l’effort et du mérite et d’instaurer une tolérance zéro en matière de discipline.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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