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Depuis qu’il a dû revendre, sous la pression de ses fils, l’olivier millénaire que possédait sa famille depuis des générations, l’état de Ramón ne cesse d’empirer. Mutique, fatigué, rien ne semble consoler le vieil homme de sa perte. Décidée à le sortir de sa torpeur, sa petite fille Alma, la vingtaine, se met alors en tête, contre ses oncles, d’aller jusqu’à Düsseldorf récupérer l’arbre familial des griffes d’une multinationale dont il orne à présent la salle d’accueil, afin de le réimplanter en Espagne sur ses terres d’origine.

Après Même la pluie, sorti en 2010, Icíar Bollaín signe, avec L’Olivier, disponible en DVD depuis le 4 avril, son deuxième film en collaboration avec Paul Laverty, le scénariste habituel de Ken Loach, et lui permet ainsi d’aborder un certain nombre de thématiques indispensables à une critique cohérente de la mondialisation, sur lesquelles n’ose jamais s’aventurer le cinéaste britannique… Du besoin de racines au retour aux sources, en passant par la transmission et la préservation des liens intergénérationnels, en effet, rien n’aurait pu trouver grâce aux yeux de Ken Loach, réalisateur bobo par excellence qui, vitupérant la "xénophobie" des partisans du Brexit, a toujours milité en faveur de la régularisation massive des clandestins (au point de soutenir Besancenot en 2007) et a œuvré, comme bon nombre de ses contemporains, à démolir dans ses films l’autorité parentale (on pense, évidemment, à Family Life, en 1971)…

Avec L’Olivier, Paul Laverty s’écarte de l’économisme marxisant des films de Ken Loach pour évoquer enfin ce capital humain que cherchent désespérément à préserver les couches populaires des pays européens, au grand dam de leurs élites mondialisées : des valeurs communes, une histoire commune, des liens familiaux, des racines, des arbres, du sens…

D’aucuns parleraient de fable écologiste. Oui, mais l’écologie intégrale, telle que l’entend une Eugénie Bastié à travers sa revue Limite : une écologie humaine et bio-conservatrice, qui ne laisse aucun crédit au gauchisme culturel ni à l’avènement de l’individu sui generis postmoderne, sans racine, sans famille, sans attache, sans histoire, sans sexe prédéfini, sans limite morale ou territoriale, parfait producteur/consommateur mû par ses désirs égoïstes dont rêve la société marchande.

Le film de Bollaín, au contraire, affirme l’importance de l’héritage, de la filiation, le poids des ancêtres, le devoir de transmission ; et célèbre le dialogue des jeunes générations actuelles – paumées, déculturées et américanisées par l’esprit 68 (à l’image du personnage principal) – avec celles de leurs grands-parents, injustement brocardés par leur progéniture et communément réduits au silence, en bout de table ou en maison de retraite… Il ne fait aucun doute, en cela, que c’est justement pour mieux s’inscrire dans la lignée de ses ancêtres et renouer avec eux qu’Alma désire réparer la faute de ses oncles et récupérer l’olivier familial jusqu’en Allemagne (l’image est lourde de signification).

En dépit d’une mise en scène très plan-plan et d’un scénario excessivement démonstratif, ce film aux allures de road movie tient évidemment sa force de son propos, aussi courageux que subversif, et fonctionne de surcroît grâce à un trio d’acteurs complémentaires et parfaitement assortis.

À voir absolument.

4 étoiles sur 5

2831 vues

04 avril 2017 à 17:58

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