Peut-être avez-vous regardé (mercredi 14 mars, sur France 2, à 21 h) le téléfilm Prêtes à tout, remarquablement interprété par Anne Charrier et Alika Del Sol, jouant le rôle de deux mères de famille découvrant que leurs fils s’adonnaient au cannabis puis à la cocaïne, et étaient devenus dealers pour financer leurs consommations. Ils entraient alors en compétition avec un caïd de cité qui, avec ses sbires sans foi ni loi, après des contraintes et des menaces, leur firent violence. Ces deux mamans désemparées s’appliquaient à protéger leurs fils. Puis vint l’épilogue où ces mamans, visées avec un revolver par le caïd, le renversèrent avec leur voiture et le tuèrent. Ce film, traité avec beaucoup de subtilité, restitue bien le cheminement des deux ados, la psychologie des mamans, l’atmosphère glauque de la cité et le milieu du deal…

Le débat qui suivit fut, je ne dirais pas modéré, mais orienté par Julian Bugier (que je découvrais en la circonstance). Il avait constitué deux plateaux successifs comportant près d’une dizaine d’invités, dont deux seulement pour exprimer leur opposition à la légalisation du cannabis.

L’un d’eux était une mère de famille venue avec son grand fils, qu’elle avait arraché à l’enfer du cannabis. Elle se réjouissait - on la comprend - que son gentil jeune homme, après avoir perdu beaucoup de temps dans son cursus dans l’enseignement secondaire, ait accédé enfin à la sixième année des études médicales.

L’autre invité donna à ce débat (hélas, trop brièvement) la hauteur qui lui faisait défaut ; pourtant, l’animateur s’appliqua, par ses petits coups de patte, à tenter d’en relativiser la portée. Il s’agissait du docteur Philippe Juvin, chef de service des urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou et, de surcroît, maire de La Garenne-Colombes (92). Fort de son expérience de maire, de sa culture et de sa pratique médicale, il justifia l’interdiction du cannabis à partir de considérations sanitaires, enfin évoquées dans cette émission, soulignant la dangerosité du cannabis et les multiples dégâts qui lui sont imputables.

Dans la séquence précédente, le président de la Fédération française d'addictologie (FFA), un psychologue, Couteron, n’avait fait qu’effleurer cet aspect, pour néanmoins décocher, en quittant le plateau, telle la flèche du Parthe, "qu’il fallait, bien sûr, légaliser cette drogue"….

Le docteur Juvin aurait pu attirer l’attention (ce que, par tact, il n’a pas fait) sur le comportement bizarre d’un invité, présentant différentes manifestations de l’intoxication cannabique : yeux rouges (conjonctives injectées), chute des paupières (ptosis palpébral), regard dans le vague, gestuelle inappropriée, stéréotypies verbales…

Débattre d’un tel sujet est sûrement opportun, mais avec l’organisation honnête qu’on est en droit d’exiger d’une chaîne publique. Cela requiert un nombre équivalent de défenseurs d’opinions contraires, un équilibre de leurs temps de parole corrigés au mieux en fonction de l’importance des éléments qu’ils ont à exposer, une application à ne pas noyer les idées majeures dans des broutilles ou des anecdotes (ce qui signifie un nombre restreint d’intervenants). Enfin, et surtout, le modérateur ne doit pas donner l’impression d’appartenir à un camp, et moins encore de s’ingénier à le faire gagner. Ce type de controverses requiert un arbitre, dont on aimerait qu’il connaisse bien le sujet ; bref, tout ce qui manquait à ce débat qui, en l’occurrence, ne mérite pas ce nom.

Ce débat s’intitulait « Drogue - un échec français ? », titre, en l’occurrence, inapproprié. Il y a échec quand, ayant déployé de grands efforts, ils n’aboutissent pas.
Quels efforts d’information sur les drogues et toxicomanies ont été effectués par les pouvoirs publics auprès des jeunes Français ? L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) vient de tancer la France pour ses carences majeures en cette matière ; aspect qui a, évidemment, été complètement éludé.

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21 mars 2018 à 9:14

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