Mon village de 300 âmes est blotti au fond d’une vallée des Pyrénées. Saint-Béat est surtout un point de passage vers l’Espagne et tout d’abord vers le val d’Aran, où la Garonne prend sa source avant de devenir française.

Saint-Béat est célèbre pour ses carrières de marbre exploitées dès la conquête romaine. Les Romains établirent à proximité la ville de Lugdunum Convenarum, actuellement Saint-Bertrand-de-Comminges.

Ainsi, bon nombre des statues du château de Versailles sont en marbre de Saint-Béat : un marbre parfaitement blanc et au grain fin.

Puis, à travers les siècles, Saint-Béat se développe pour devenir un lieu d’échanges pour les populations des deux versants des Pyrénées.

En 1513 y est signé le traité des Lies et Passeries, établissant ainsi des règles locales destinées aux habitants des vallées des deux côtés de la frontière, leur permettant une liberté de circulation pour le commerce, l’exploitation forestière et surtout l’utilisation des « estives » (pâturages d’altitude l’été), même si les gouvernants des pays concernés sont en guerre.

Le village change ainsi au fil des siècles jusqu’à « terrasser » le lit de la Garonne pour s’agrandir…

En effet, au XIXe siècle, avec la naissance du tourisme et la recherche de villégiatures « au bon air » par les citadins, d’importantes résidences d’été voient le jour, faisant fi de la sécurité et construisant sur des emplacements où nos anciens se seraient gardés de s’installer.

Cette époque voit, en quelques décennies, le cours de la vie changer considérablement : un ambitieux plan de travaux publics est lancé à travers toute la France par le ministre Charles de Freycinet : le plan Freycinet. Il consiste, notamment, à relier villes et villages par des lignes de chemin de fer. Saint-Béat est concerné. En juillet 1914, un tramway est inauguré, reliant Marignac et sa gare du Midi à la frontière espagnole du val d’Aran.

L’essor est considérable. Marignac, village voisin, passe en très peu de temps du statut de « petit village pyrénéen » à celui de bourgade industrielle. Des usines s’y implantent afin de pouvoir traiter les minerais extraits des mines françaises et aranaises.

Surtout, l’arrivée du tramway électrique apporte l’électricité dans la vallée… contribuant ainsi à l’extinction des chandelles.

Saint-Béat, déjà villégiature d’été, devient alors lieu touristique privilégié. Les dames descendent de leurs voitures accompagnées de messieurs en redingote pour embarquer dans les « baladeuses » (wagons avec bancs) et se rendent ainsi de l’autre côté de la frontière où les jeux d’argent ne sont pas interdits, ou aux thermes de Les.

Peu à peu, la route et les voitures, les cars et les camions prennent le pas sur le tramway.

La guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale lui portent également un coup fatal.

La prolongation de la ligne jusqu’à la ville catalane de Lérida, établie en détail sur papier par l’ingénieur Rouvière, ne verra jamais le jour. Le projet initial du percement du tunnel de Vielha sous la Maladeta en faisait partie. Ce tunnel ne sera achevé qu’en 1948 par Franco pour servir à d’autres intérêts.

Saint-Béat se mourra alors lentement pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : un petit village où passent des centaines de camions et des milliers de voitures dont la destination est surtout « l’aller/retour des courses » aux tabacs et aux alcools détaxés.

Cette situation va prendre fin avec le percement du tunnel de Saint-Béat et la construction de la route (qui peine à se faire...), qui fera passer ce flot de véhicules en dehors du village.

Actuellement, beaucoup de projets sont mis en œuvre pour inciter les voitures de passage à s’arrêter dans le village et y découvrir son riche patrimoine (église romane du XIe siècle, château de défense de la Passe des loups, le Passus Lupi, carrières de marbre encore exploitées aujourd’hui, etc.).

À Saint-Béat, les crues de la Garonne ne sont pas des phénomènes exceptionnels et les habitants ont acquis les bons réflexes… Toutefois, la crue de juin 2013 a bien failli faire mourir Saint-Béat. De quinze centimètres à 7 h 30 du matin dans la rue principale, la Garonne est passée, à 10 h 00, à quasiment trois mètres. De mémoire de Saint-Béatais, on n'avait pas vu ça depuis 1897…

Il aura alors fallu plus de trois années pour que le village reprenne vie, mais il reste encore des stigmates du passage des eaux furieuses.

Aujourd’hui, Saint-Béat est aussi un « haut lieu de la pêche à la truite ». J’invite les lecteurs de Boulevard Voltaire à venir le découvrir.

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12 août 2017 à 21:45

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