Jérôme Rivière, qui fut député et membre de la commission de la Défense de 2007 à 2012, réagit à l'annonce faite par le gouvernement de faire une coupe de 850 millions d'euros dans le budget de la Défense, alors même que nos militaires risquent leur vie pour la sécurité de la France et des Français, tant sur le territoire national qu'en opération extérieure.

Bercy a annoncé hier une baisse de 850 millions d'euros sur le budget de la Défense. Les réactions ont été vives de tous côtés. Pourquoi cette baisse de budget est-elle grave ?

Elle est d'autant plus grave que les Forces françaises sont engagées sur des théâtres d'opérations qui réclament énormément de moyens. Ce sont des opérations extérieures qui ne rentrent pas dans le cadre du budget classique des Armées. En souhaitant amputer le budget de la Défense alors même que l'on va devoir l'augmenter pour faire face aux dépenses liées notamment à l'opération Barkhane, le président de la République et le gouvernement montrent un désintérêt profond pour les femmes et les hommes qui risquent tous les jours leur vie en opération.

Au-delà de cela, beaucoup ont dit que la menace terroriste était toujours présente, et que l'Armée avait donc besoin de moyens, d'entraînement, et d'hommes. Baisser le budget de l'Armée signifie-t-il la remise en cause de la sécurité des Français?

Celui qui était candidat à l'époque et qui est aujourd'hui président de la République n'a pas pris la mesure de la menace terroriste. On a largement pu le constater pendant la campagne des élections présidentielles. Il avait d'ailleurs expliqué qu'il n'était pas capable de faire un plan de lutte contre le terrorisme en l'espace d'une nuit. Cela prouve à quel point sa réflexion est limitée sur le sujet. Il a pris des mesures et fait des annonces en essayant de regrouper les services de renseignement dans le cadre d'une autorité unique.
La réalité est avant tout que, pour lutter contre des mouvements terroristes et faire face à des opérations militaires importantes, il faut des moyens. Au Mali, par exemple, il faut des moyens pour alimenter les militaires en eau, tout bêtement. Aujourd'hui, on expose la vie des militaires français en les faisant voyager par camion au lieu de les faire voyager par hélicoptère. C'est irresponsable. C'est la même chose dans le cadre des Réserves.
Ce n'est pas tout à fait la Défense, mais les policiers dans mon département du Var ont reçu l'instruction de ne plus faire appel aux réservistes. Quand on sait, par exemple, que la brigade cynophile du Var est constituée exclusivement de réservistes, cela veut dire qu'à partir du 17 juillet prochain, il n'y aura plus un seul chien policier utilisé dans le Var. C'est une façon de mettre en danger grave les Français. Les terroristes, comme les malfrats et les malfaiteurs, sont parfaitement informés de ce manque de moyens. Ils mettront en œuvre évidemment des dispositifs pour bénéficier de cette baisse de la garde matérialisée par cette baisse des crédits.

Le gouvernement justifie ses baisses de budgets par une nécessité de dépenser moins. Pourquoi n'est-ce pas sur ces ministères-là qu'il faut faire des efforts ?

La première raison est que le ministère de la Défense est le ministère qui depuis des dizaines d'années est le plus sollicité pour faire des efforts budgétaires. Ils ont déjà participé aux efforts budgétaires qu'a réalisés l'État. C'est sans doute l'administration la mieux gérée. C'est celle pour laquelle les fonctionnaires, qui ont une fonction particulière et sont prêts à mettre leur vie en péril pour protéger la France, ont fait le plus d'efforts budgétaires.
On sait que pour mener leur mission à bien, on a besoin d'investir. Pendant la campagne, Monsieur Macron a expliqué qu'il espérait obtenir 2 % du PIB en matière de Défense à l'horizon de 2022 ou 2025. Aujourd'hui, en baissant son budget, il fait exactement l'inverse. Il nous a expliqué qu'il allait tourner à droite et finalement il donne un grand coup de virage à gauche. C'est irresponsable, d'autant qu'il existe des moyens de récupérer de l'argent.
Je vous le rappelle encore une fois :
1 milliard d'euros dépensés pour l'aide médicale d'État.
2 milliards d'euros dépensés pour le droit d'asile. On sait que cet argent est mal utilisé puisqu'aujourd'hui plus de 90 % des demandeurs d'asile refusés ne rentrent pas dans leur pays.
On a des économies massives à faire. C'est le cas notamment dans la lutte contre l'immigration clandestine pour couper les pompes aspirantes. C'est de l'argent qu'on devrait bien naturellement donner à nos Armées pour pouvoir renforcer la sécurité des Français.

Son gouvernement dit que c'est un effort temporaire et que les budgets seront augmentés dès 2018. Que vous inspire cette nouvelle promesse ?

C'est dire aux militaires qu'il les prend pour des cons. Excusez-moi cette grossièreté, mais c'est vraiment manquer de respect à celles et ceux envers qui il a pris un engagement moral fort. Il avait dit qu'il voulait leur donner les moyens de lutter pour la sécurité des Français. Pourquoi la promesse d'aujourd'hui serait-elle plus réelle que la promesse faite hier ? En 2018, on nous dira en 2019.
La réalité est qu'aujourd'hui nous ne sommes plus à l'os, mais on gratte l'os. Les dommages réalisés à nos Armées seront irréversibles.

Est-ce que le fait que cette annonce se fasse le 14 juillet, alors qu'Emmanuel Macron assistera au défilé des Armées avec Donald Trump, n'est pas aussi une forme de coup de poignard fait aux Armées ?

On voit bien que nous sommes dans une opération de communication. Le président Macron veut tenter d'impressionner le président des États-Unis en l'invitant à un défilé bien sûr spectaculaire. Mais c'est finalement un micron chef des Armées. Finalement, les femmes et les hommes de l'opération Barkhane n'auront pour célébrer le 14 juillet que des réductions de moyens, exposant ainsi un peu plus leur vie tous les jours.

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13 juillet 2017 à 23:46

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