« Nous devons réaffirmer la question de l’identité comme une priorité »

Pour Robert Ménard, l'échec cuisant du Front national à l'élection présidentielle tient avant tout à ses propres erreurs.

Marine Le Pen a eu le courage de renoncer à la sortie de l'euro, qui est une erreur sur le fond, mais pas de manière assez nette. Pour les patrons de PME, le problème n'est d'ailleurs pas l'euro, mais le Code du travail.

Surtout, elle n'a pas su faire une priorité de la question de l'identité (famille, école, immigration), qui préoccupe les Français bien plus que celle de la souveraineté.

Pour qu'un groupe fort et influent puisse représenter ces idées à l'Assemblée, il faut que soit réaffirmée cette priorité absolue et, dans l'esprit du Rassemblement de Béziers et de l'alliance du FN avec Nicolas Dupont-Aignan, que la droite opère un véritable aggiornamento.

Emmanuel Macron est le nouveau président de la République. Marine Le Pen a perdu avec 35%.
Quel est votre regard sur cet échec de Marine Le Pen ?

Même s'il y a plus de 10 millions de citoyens qui ont voté pour elle, ça reste un échec.
On a pris ça comme une gifle, comme un coup de bambou. On s'attendait peut-être à une défaite moins humiliante que celle-ci.
Je crois que ça dit un certain nombre d'erreurs qui ne remontent pas seulement au deuxième tour. Depuis le mois de janvier, Marine Le Pen a perdu 5 à 6% d'électorat et on a eu un mauvais score au premier tour.
On a cru au second tour que quelque chose était en marche. Le temps fort a évidemment été la signature de l'accord avec Nicolas Dupont-Aignan. Et ensuite, il y a eu ce débat calamiteux. Marine Le Pen a eu le courage d'avancer en particulier sur la voie du renoncement à la sortie de l'Euro, mais elle n'est pas allée jusqu'au bout. Elle fait une déclaration en disant : « finalement, ce n'est plus une priorité », et dès le lendemain matin, vous avez un Florian Philippot qui explique :« Oh oui, mais messieurs, dames, dans 6 mois, on paiera la baguette avec un nouveau Franc ».
On a eu une espèce de cacophonie parce que le Front national et Marine Le Pen ne sont pas arrivés à purger cette question de l'Euro. Cette question n'est pas seulement anxiogène pour la population et pour les vieilles personnes, mais c'est aussi une erreur sur le fond.
Il ne faut pas sortir de l'Euro !
Quand le Front National aura pris conscience de ça, une politique d'alliance avec d'autres forces, et pas seulement à quelques jours d'un scrutin aussi important que la Présidentielle, sera alors imaginable.
Peut-être qu'alors, on n'en sera plus là !

Effectivement, l'Euro est une question qui est très critiquée dans sa stratégie aujourd'hui.
Quels sont les thèmes sur lesquels, selon vous, Marine Le Pen aurait dû faire campagne cette année ?

Sur les problèmes d'identité !
Encore une fois, si ma fille est obligée d'être en burqa dans 20 ans, je m'en contrefoutrai de savoir si la France est souveraine ou pas. Je constaterai que l'identité des Françaises n'existe plus. Il fallait dire ça, dire et redire ça.
C'est ce qui préoccupe les gens, les questions de l'immigration, les questions de sécurité, les questions d'école, la question de la famille.
Je ne dis pas que Marine Le Pen n'a pas parlé de ça. Elle en a parlé évidemment. Mais c'est passé derrière la question de l'Euro. Et là encore, il faut dire les choses clairement. On ne peut pas dire à la fois « on sort de l'Euro », tout en n'en sortant pas et puis, « entre-temps, on va faire apparaître les Écus ».
Les gens se sont vus avec trois monnaies. L 'Euro, le Franc, les Écus. Les gens étaient perdus. Il fallait profiter de l'alliance avec Nicolas Dupont-Aignan pour dire : «  j'ai entendu les inquiétudes des Français, je repousse cette question de l'Euro à plus tard ».
Aujourd'hui, un patron de petite ou de moyenne entreprise, son problème ce n'est pas l'Euro. Son problème, n'en déplaise à un certain nombre de gens à la droite de la droite, c'est le Code du travail !
Alors, il faut, sur le fond, dire un certain nombre de choses et il va falloir se poser ces questions-là.
Je pense que le rassemblement des droites qu'on avait fait à Béziers s'impose. Cela avait été un succès sur le coup mais un échec dans les mois qui ont suivi. Il s'impose d'autant plus qu'il ne s'est jamais imposé.
Il va falloir faire une espèce d'aggiornamento de la droite. Et on va essayer de s'y employer.

Dans un mois, ce sont les législatives.
Est-ce que Marine Le Pen peut finalement, selon vous, transformer cet échec, au moins en réussite pour les législatives ?

Je crois qu'il y a une loi d'airain dans la Vème République depuis que les Législatives sont après les Présidentielles, c'est que les Français font preuve d'un peu de suite dans les idées et dotent le Président d'une majorité.
Je crains pour Les Républicains qui pensent qu'ils vont avoir leur revanche ce coup-ci, après avoir perdu les Présidentielles. Je crois qu'ils se mettent le doigt dans l’œil.
Et je crains que si le Front national ne dit pas rapidement un certain nombre de choses, en particulier sur la question de l'Euro, mais aussi sur les questions sociales, s'il ne réaffirme pas l'identité comme sa priorité absolue, je crains que l'on se retrouvera avec peu, très peu de députés.
Alors, si on a perdu les Présidentielles comme on les a perdues, et si demain on n'a pas un groupe puissant, on, c'est-à-dire toute cette sensibilité que nous représentons, qu'on soit au Front National, à Debout La France ou tout autre parti, il y a un certain nombre de gens, et notamment les petites gens, qui vont trouver que l'addition est salée.

Robert Ménard
Robert Ménard
Maire de Béziers, ancien journaliste, fondateur de Reporters sans frontières et de Boulevard Voltaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois