De cette première journée de la législature, plus que le falot Rugy ou le casserolé Ferrand, déjà trop connus, plus que leurs ouailles insipides de la Chambre en marche, deux nouveaux députés attiraient l’œil et l'oreille de l'observateur scrutant les signes des temps. Et ni le vieux renard Bourdin ni la jeune ambitieuse Léa Salamé ne s'y étaient trompés : pour eux comme pour nous, l'après-Macron est en marche. Bourdin recevait François Ruffin, l'insoumis élu dans la Somme. Et Léa Salamé, le lendemain, Emmanuelle Ménard qui, sans avoir adhéré au Front national, a été élue avec son soutien et celui de petits partis de la droite hors les murs.

Deux personnalités de la même génération qui ont finalement beaucoup de points communs. Journalistes, fondateurs de journaux, critiques de la servilité des médias à l'égard des pouvoirs, en 2003, l'un publie Les Petits Soldats du journalisme, et l'autre, avec Robert Ménard, La Censure des bien-pensants.

Aujourd'hui, cette position d'observateurs critiques du système les a conduits à s'engager. Pour leur coup d'essai électoral, ce fut un coup de maître, dans un contexte qui ne leur était pas favorable. Prometteurs, ces deux-là. Leur élection nous enseigne qu'il est plus facile de se lancer en politique quand vous avez une certaine maîtrise du monde médiatique, mais encore que les Français souhaitent que le renouvellement touche aussi le monde des médias.

À les écouter, deux impressions se dégageaient. D'abord, le sentiment qu'on ne peut se contenter d'analyser mais qu'il faut, comme le répète Emmanuelle Ménard, "prendre ses responsabilités". "Un jour, ajoute-t-elle, on se dit que, si le pays va aussi mal qu'on le dit, il faut se lancer." Le même sens du devoir habitait Ruffin, anaphorisant : "Je sais pourquoi je suis là. Je suis là pour…" Contrairement aux élus interchangeables LREM, ces deux-là ne sont pas députés par hasard.

Et puis chacun faisait entendre des voix à qui on ne tend pas le micro d'ordinaire. Emmanuelle Ménard, au sujet de l'élargissement de la PMA :

Cela m'inquiète beaucoup parce qu'on est en train de passer du respect des droits de l'enfant à une imposition du droit à l'enfant. Les personnes vulnérables, ce sont les enfants.

Mais ces députés atypiques ont aussi été élus car ils portent des analyses politiques fortes. M. Ruffin a été clair :

Aujourd'hui, les classes populaires sont divisées entre d'un côté les enfants d'immigrés et de l'autre côté les petits Blancs […] Le Front national, en plaçant cette division sur le terrain culturel, produit ce déchirement entre les classes populaires. Il faut que nous portions le problème sur le terrain économique et social et qu'on parvienne à la réunion.

L'analyse est juste sur un point : la France populaire est divisée et Macron règne en maître. Mais Ruffin a tort s'il pense que la question identitaire et culturelle peut être subsumée par la seule problématique économique. C'est, curieusement, la même erreur qui parcourt la majorité du spectre politique, des Insoumis, au PS, en passant par Macron et une certaine droite centriste. Et parfois jusqu'à certains philippotistes. Mais, pour la droite qui a élu Mme Ménard, la question culturelle ne saurait se dissocier de la question économique, ni s'y dissoudre.

Macron a bien donné un coup de vieux à ses rivaux de la présidentielle. En voyant Emmanuelle Ménard siéger à côté de M. Mélenchon, on observait aussi qu'un remplacement générationnel et idéologique avait commencé à l'Assemblée, qui dessine en filigrane la France d'après.

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29 juin 2017 à 17:12

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