LE DÉSASTRE FRANÇAIS VU DU 47e ÉTAGE (suite)

La conduite de l'ambassadeur de France à Washington mérite une mention particulière. Voilà un homme qui possède toutes les caractéristiques de la nouvelle barbarie intellectuelle, c'est-à-dire doué d'une intelligence étendue, mais qui manque entièrement de jugement : ancien élève de Polytechnique et de l'ENA, cet ambassadeur est aussi un véritable autiste du raisonnement, enfermé dans son système de pensée, qui se permet de critiquer l'élection d'un nouveau président dans un pays où il représente la France.

Pourquoi ? Parce qu'il est plus soucieux de plaire à ses pairs qu'à ses hôtes. C'est ce que faisaient sous mes yeux en 2006 les membres du réseau culturel français à l'étranger, qui n'organisaient des expositions que pour être bien notés à Paris. Mais aussi parce qu'en blâmant le choix du peuple américain, notre ambassadeur s'exprime au nom d'un autre peuple transnational dont il possède le passeport, celui qui gouverne du 47e étage partout dans le monde, celui pour qui les religions, les nations, les imaginaires locaux, le folklore ne sont que de vagues superstitions vouées à disparaître. C'est le sens de toutes les déclarations du fameux Jacques Attali, autre polytechnicien pour qui la France n'est qu'un hôtel et qui veut supprimer toutes les barrières. George Soros, avec sa fondation internationale Open Society, s'est assigné la même mission. Il n'est pas impossible que le premier la tienne expressément du second.

Le fait de faire ainsi sauter les barrières, de supprimer les conservatoires et les conservateurs, d'aplanir toutes les crêtes du paysage culturel mondial, est particulièrement injustifiable pour un artiste puisqu'il revient à tout abstraire pour livrer passage à un art allusif, conceptuel, déconnecté, dématérialisé, dont la forme ne connaît aucune règle, aucun savoir-faire.

Mais, à défaut d'être acceptable, c'est un précepte qui obéit à la logique. Or, comme toujours, l'oligarchie qui essaie de nous représenter les mérites de son monde futur, de son Nouveau monde à moitié abstrait vu du 47e étage, cette oligarchie qui prétend fournir à la machine la logique qu'elle exige, est en train de l'enfreindre tous les jours. Oui, elle déroge aux règles qu'elle a instaurées en invitant à s'installer dans les démocraties occidentales des gens dont le premier soin est de planter leurs propres barrières, d'énoncer et d'imposer leurs propres règles, y compris les plus cruelles. En somme, la société ouverte nous demande d'abattre toutes les barrières pour permettre à d'autres d'ériger les leurs à notre porte.

Comment peut-elle commettre une telle erreur de jugement ? L'explication est d'une simplicité outrageuse : cette société selon la norme future affecte de croire, et le Président français l'a dit expressément, que la Marianne de 2040 aura renoncé au voile pour embrasser les valeurs de la République, c'est-à-dire, pour être précis, du commerce international, lequel multiplie les shopping centers, les complexes multisalles et les Starbucks cafés autour des églises pour les remplacer. Il s'agit donc de permettre à la machine économique mondiale de digérer une clientèle et une main-d'œuvre dont l'Occident pense avoir besoin pour continuer à produire et à consommer au prix du sacrifice de ce que nous sommes, quitte à…

Quitte à cesser complètement de l'être. Quitte à demander à nos cultures millénaires, qui accueillent cette main-d'œuvre analphabète par bateaux entiers, de « prendre sur elles », de renoncer peu à peu à certains aspects de leur vie sociale, de leur civilisation, aspects qui heurtent les nouveaux arrivants. C'est la méthode suédoise. Crèches, pratiques d'abattage, animaux domestiques, représentation de la femme, gynécologie, hôpitaux publics : tout y passe. En moins de dix ans, de 2008 à 2016, la France aura donné la mesure effrayante de ce à quoi elle s'apprête à consentir au nom du développement des shopping centers : s'il faut en passer par là pour assurer le plein-emploi, elle consent à nourrir la barbarie, à lui payer le billet d'avion.

En vérité, elle ne consent à rien, ils consentent pour elle. Des gens cravatés et invités dans tous les forums internationaux, un ancien Premier ministre comme Alain Juppé, un président de la République comme Nicolas Sarkozy, leurs équipes, leurs porte-parole parviennent à enjamber distraitement l'appel au meurtre d'une catégorie de citoyens, en l'occurrence les homosexuels, par une poignée de jeunes Noirs musulmans réunis dans un groupe de rap portant le nom d'un groupe nazi, au nom de quoi ? De la paix civile. Pour ménager l'illusion du vivre ensemble, leur précepte devient « Laissez-les appeler à tuer qui ils veulent ».

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