Mario Rigoni Stern est un grand écrivain italien, d'ascendance autrichienne comme son nom complet l'indique. Peu connu en France, il a pourtant rencontré un immense succès en Italie dès son premier livre, Le Sergent dans la neige.

C'est sa propre histoire qu'il raconte avec simplicité et talent dans ce court récit qu'on lit presque d'une traite.

Début 1943, le sergent Rigoni tient un avant-poste sur le Don, qu'il décrit avec la poésie et l'amour de la nature qui caractérisent toute son œuvre : "J'ai encore dans les narines l'odeur de la graisse qui fumait sur le fusil-mitrailleur brûlant. J'ai encore dans les oreilles et jusque dans le cerveau le crissement de la neige sous les brodequins ; les éternuements et les quintes de toux des sentinelles russes ; le froissement des herbes sèches battues par le vent sur les rives du Don. J'ai encore devant les yeux ce que je voyais au-dessus de ma tête : la nuit, le carré étoilé de Cassiopée, le jour, les poutres au plafond du bunker."

Et puis, brutalement, il faut se retirer : les Italiens sont encerclés et, coûte que coûte, par un froid polaire, il faut sortir de cette immense poche assaillie de toutes parts.

Avec ses courageux alpins, comme il les appelle, Rigoni va se battre, avoir froid et peur, et marcher jusqu'à l'épuisement. Il est au bord de la rupture. Au cours d'une halte, dans un village, Adriano, son cousin, le reconnaît : "Comment ça va cousin ? Je n'arrive pas à articuler un seul mot. Adriano me regarde de tout prêt et répète : comment ça va cousin ? Mal, je dis enfin, ça va mal. J'ai sommeil, j'ai faim, je n'en peux plus. Il m'arrive ce qui peut arriver de pire à un homme."

Mais il va tenir et sera un des rares survivants de cette tragédie méconnue.

Au-delà des péripéties militaires, il y a chez Rigoni ce souci constant de rester digne, tant vis-à-vis de ses amis que de ses ennemis. On n'oublie pas cette scène hallucinante où le sergent entre dans une isba habitée par une famille russe mais où plusieurs soldats ennemis se restaurent tranquillement. Tous se regardent stupéfaits, personne ne bouge. La mère de famille apporte une soupe à l'Italien, qui la mange devant les Russes dans un grand silence : "C'est comme ça que ça s'est passé. À y bien réfléchir, maintenant, je ne trouve pas que la chose ait été étrange, mais naturelle, de ce naturel qui a dû autrefois exister entre les hommes."

Le Sergent dans la neige est le chemin idéal pour découvrir l'œuvre belle et pure de Mario Rigoni Stern.

Retrouvez ce titre et bien d’autres sur mon blog littéraire : leslivresdantoine.com

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10 août 2018 à 11:29

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