Délégation de tâches…

Comme à chaque grand départ en vacances, les médias nous rappellent le déploiement des forces de répression routière. Bientôt, donc, les constatations d'infractions liées aux dépassements de vitesse par radars embarqués seront confiées à des entreprises privées. Comme pour les mises en fourrière, il s'agira plus probablement de sociétés amies du pouvoir que de PME locales, mais là n'est pas la question. Elle est plutôt de constater que dans le pays qui compte le plus de fonctionnaires par tête d'habitant, ceux-là s'apprêtent une fois de plus à faire faire leur boulot par d'autres.

Comme la sécurité, par exemple, dont le secteur privé en plein boom compte aujourd'hui des effectifs équivalents à ceux de la police ou de la gendarmerie. On voit des men in black aux portes des grandes parfumeries ou pharmacies, tandis que dans les banlieues perdues, le maintien de ordre est largement délégué à certaine autorité religieuse. Nos fonctionnaires enseignants, eux, ont trouvé la formule pour arriver aux 35 heures tout en mettant un peu de beurre dans les épinards : augmenter leur temps de travail en pantouflant chez Acadomia après leurs heures.

Les ancêtres de ces transferts ou délégations de tâches sont probablement les AGA, associations de gestion agréées par le fisc, inventées en 1978. Elles font le travail de contrôle des déclarations de revenus des professionnels libéraux - qui devrait être fait par l'administration - avant de les estampiller de leur imprimatur. Tâche payante, bien sûr, même si on n'est pas obligé d'y adhérer. Mais si on n'adhère pas, on est imposé sur 125 % des bénéfices (la présomption d'innocence, c'est seulement pour les assassins) !

Derniers en date des supplétifs de l'administration : les banques. Demandez donc à la vôtre de vous délivrer quelques milliers d'euros en espèces, simplement pour voir… On vous demandera "C'est pour quoi faire ?" Idem dans l'autre sens si, salarié, vous apportez une liasse de billets : "Ça vient d'où ?" Voilà nos banquiers devenus agents des douanes. On ne se souvient pourtant pas que les effectifs de ces derniers aient baissé à la suppression des frontières…

En fait, le cycle est toujours le même. L'État jacobin et ses bénéficiaires statutaires prétendent faire notre bonheur en s'occupant de tout, justifiant ainsi une fiscalité délirante. Puis, après s'être gavés de privilèges, ils constatent que les domaines qu'ils ont préemptés tournent mal. Alors, ils font appel au secteur qui marche : le privé. Et qu'il s'agisse de sécurité, d'éducation, d'assurance maladie ou de retraite, l'assujetti-contribuable pourra payer une deuxième fois !

Mais quelles que soient les qualités individuelles de ses membres, cette dérive permanente de la bureaucratie gouvernementale est logique et ontologiquement liée au système. Dans un monde où on ne peut pas améliorer sa condition par ses mérites, mais seulement par l'ancienneté, il n'y a que deux façons d'y parvenir : en faire le moins possible ou faire faire par d'autres. Ou les deux…

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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