Au-delà de la tombe, la face cachée du général de Gaulle

La sépulture du général de Gaulle, à Colombey-les-deux-Églises, a été profanée samedi après-midi.

La tombe, filmée en permanence, a été dégradée à 17 h 14 par un individu seul qui est monté dessus et a donné deux grands coups de pied sur le socle de la croix de la tombe, provoquant la chute de celle-ci. Mais le socle de la tombe est resté intact

a déclaré à l’AFP le procureur.

L’enquête en cours permettra sans doute de déterminer les motivations de l’auteur : œuvre d’un déséquilibré, d’un christianophobe (seule la croix a été visée) ou d’un provocateur, ce 27 mai, journée nationale de la Résistance ? Peut-être les trois à la fois. Quoi qu’il en soit, cet acte est condamnable.

Si l’on doit le respect à tous les morts, la personnalité de l’homme qui reposait dans cette tombe a amplifié le scandale. Les réactions n’ont pas manqué dans la sphère politique. "La mémoire et la figure du général de Gaulle sont chères à tous les Français", a souligné l’Élysée, précisant qu’Emmanuel Macron a appris "avec émotion […] l’acte de vandalisme perpétré contre la tombe du général de Gaulle".

C’est "un acte de vandalisme commis sur la tombe du général de Gaulle, c’est un acte contre la France", a tweeté le Premier ministre Édouard Philippe, tandis que Gérald Darmanin s’indignait : "Honte à ceux qui ont profané la tombe du général de Gaulle. Mon cœur de patriote est blessé."

François Baroin, le sénateur-maire de Troyes, a dénoncé sur les réseaux sociaux cette dégradation qui "nous indigne et nous choque tous en ce jour de commémoration de la Résistance", tandis que Gérard Larcher écrivait : "Honte aux profanateurs qui salissent notre histoire". Florian Philippot, de son côté, a déploré cette "infamie" contre le "plus grand Français du XXe siècle".

Le pauvre général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe, à entendre tous ces éloges, le plus souvent intéressés, qu’il n’avait pas demandés. Il est devenu, après sa mort, une sorte de star à laquelle la plupart des politiciens se réfèrent, comme pour se donner un certificat d’honorabilité.

Pourtant, s’il est incontestablement un symbole de l’indépendance nationale et de la grandeur de la France, que beaucoup de ses admirateurs bafouent aujourd’hui, son image, embellie par la légende, n’est pas exemplaire à tous égards.

Ainsi, les rapatriés, les harkis et leurs descendants, tous les amis sincères de l’Algérie française se remémorent dans quelles conditions ce pays fut livré aux terroristes du FLN. Ils se souviennent, après les prétendus accords d’Évian, des Européens massacrés, des harkis désarmés et abandonnés à la barbarie sur ordre du gouvernement, de ces officiers qui ont choisi de combattre jusqu’au bout de leurs idées par respect de la parole donnée.

Parmi eux, plusieurs avaient participé à la Résistance et à la libération de la France. Faut-il rappeler également que, parmi les civils, Georges Bidault, le successeur de Jean Moulin, après une carrière politique bien remplie, rejoignit des hommes comme Jacques Soustelle, Antoine Argoud et Pierre Sergent pour constituer un nouveau Conseil national de la Résistance, destiné à défendre l’Algérie française ?

La profanation de la sépulture du général de Gaulle est condamnable et doit être condamnée, le coupable sévèrement sanctionné. Mais les politiciens de tous bords, plutôt que de faire sans cesse référence à l’homme du 18 juin – avec lequel ils ont peu de choses en commun – devraient mettre un point d’honneur à ne pas occulter la face cachée de leur idole.

Un homme est d’autant plus grand qu’on le considère dans toute sa vérité.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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