Dégradations des conditions du maintien de l’ordre : les causes et les effets

Flashball

Devant les appels incessants, notamment de La France insoumise, à toujours plus désarmer les forces de l'ordre au maintien de l'ordre, allant même jusqu'à remettre en cause le produit contenu dans les grenades lacrymogènes, il m'a paru utile de mettre en perspective ce que d'aucuns considèrent comme l'utilisation d'armes dangereuses (LBD) entraînant des violences policières illégitimes, alors que c'est la fragilisation des unités spécialisées de maintien de l'ordre (EGM et CRS) que l'on connaît depuis une dizaine d'années et que l'on paie aujourd'hui.

Certains principes et techniques de base du maintien de l'ordre semblent avoir été perdus de vue. Les casseurs sévissaient déjà, il y a plus de trente ans, et le maintien de l'ordre n'était pas plus facile, mais le premier principe était de montrer la force pour ne pas avoir à s'en servir. Or, pas moins de quinze escadrons de gendarmerie mobile ont été supprimés au nom de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) entre 2007 et 2012 et les effectifs des CRS ont également diminué. Merci, Nicolas Sarkozy.

Cette réduction des effectifs, la réorganisation interne des unités et leur mode d'emploi ont entraîné un allègement des dispositifs mis en œuvre, qui n'en imposent plus aux manifestants. Là où, il y a trente ans, on mettait un escadron à 75 hommes pour tenir une rue à Paris, aujourd'hui, on n'hésite plus à mettre deux pelotons à vingt maximum. La tentation est donc plus grande pour les casseurs de harceler et de tenter de forcer le barrage. Cette situation a également affaibli la robustesse des pelotons d'intervention qui agissent au sein de chaque unité, avec des techniques bien précises, afin de procéder aux arrestations des casseurs. Aujourd'hui, la préfecture de police de Paris fait intervenir des compagnies d'intervention de la préfecture de police et les BAC, qui ne sont pas des professionnels du maintien de l'ordre, avec des tenues disparates pour les seconds, parfois ambiguës vis-à-vis des manifestants, ce qui crée un climat de défiance délétère. Le maintien de l'ordre est une affaire de professionnels, ce n'est pas une course à l’échalote qui met en danger l'unité qui se trouve parfois encerclée ou qui est, ensuite, obligée d'aller récupérer les électrons libres qui se sont eux-mêmes mis en danger.

Un autre principe du maintien de l'ordre est celui du maintien à distance des manifestants, autant que possible. Ce que j'ai vu, samedi 9 février, est de "l'anti-maintien de l'ordre", quand un barrage de CRS recule sur plusieurs centaines de mètres devant une foule au contact qui avance. L'effet psychologique est dévastateur et augure de dérapages ultérieurs.

Autre principe : on laisse toujours une échappatoire aux manifestants afin de quitter la manifestation et ne pas se retrouver dans une nasse. C'est exactement l'inverse que je constate depuis le début du mouvement dit des gilets jaunes. C'est une situation évidemment très dangereuse pour tout le monde et potentiellement explosive.

Pour ce qui est des moyens employés, oui, le LBD ne doit pas être utilisé en maintien de l'ordre devant une foule, compte tenu de la marge d'imprécision d'atteinte de la cible, surtout lorsqu'il est employé par des personnels de police non professionnels, pas ou peu formés et mal encadrés. Par contre, les grenades GLI de désencerclement doivent être conservées car elles sont les seules armes permettant de faire face à une situation particulièrement tendue depuis que l'on a retiré les grenades offensives des EGM - ce qui a été une erreur. L'emploi des détachements d'action rapide (DAR) en moto me semble également à proscrire car plus dangereux qu'efficace, selon le même risque des électrons libres. On se souvient du policier d'un DAR brandissant son arme de service pour dégager un de ses collègues dont la moto avait chuté près des Champs-Élysées.

Contrairement à ce que l'on entend sur certains plateaux télévisés, ce n'est pas la « doctrine » du maintien de l'ordre qui est à revoir, car elle est fermement établie tout en s’adaptant en permanence, mais les effectifs, la formation, l'emploi et l'équipement des unités spécialisées.

Philippe Franceschi
Philippe Franceschi
Consultant en sécurité

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