Le contrôle continu au baccalauréat : l’arbre qui cache la forêt ?

Parmi les réactions sceptiques ou hostiles à la réforme du baccalauréat, annoncée par Jean-Michel Blanquer au Conseil des ministres, revient souvent l’introduction d’une dose importante de contrôle continu. Ce système accentuerait, malgré les garanties annoncées (copies anonymisées, correction par d’autres professeurs que ceux de l’élève, banque d’épreuves communes…), les risques de disparité entre établissements.

Sur le fond, ces critiques sont fondées, même s’il s’agit plutôt, en l’occurrence, de « contrôle en cours de formation ». Le baccalauréat national actuel est, en théorie, un rempart contre l’arbitraire, tous les candidats traitant les mêmes sujets – encore qu’il puisse y avoir des différences dans les directives académiques de correction.

De plus, 10 % de la note de contrôle continu dépendra de l’examen du livret scolaire. Or, ce n’est un secret pour personne que les professeurs sont plus ou moins sévères dans leur notation, voire leurs appréciations. Dans une classe médiocre, on peut encourager un élève qui fait des efforts. Inversement, dans une bonne classe, on peut mettre 19, voire 20 à la meilleure copie, ou 16, si l’on estime que l’élève peut mieux faire encore.

Mais il faut savoir que le contrôle continu existe déjà dans le baccalauréat actuel. Les travaux personnels encadrés (TPE) en classe de première, l’éducation physique et sportive sont évalués pour le baccalauréat par une forme de contrôle continu. De plus, le fait d’avoir des épreuves pendant toute l’année peut inciter des élèves à travailler plus régulièrement, au lieu de bachoter quelques semaines avant l’examen. Ce serait une sorte de timide retour – le mot est aujourd’hui tabou – aux compositions d’antan.

Il faut savoir, aussi, que les candidatures à des filières sélectives, comme les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), sont étudiées au mois de mai, exclusivement sur dossier, en tenant compte des résultats des élèves pendant les deux premiers trimestres, donc de leurs bulletins. Le baccalauréat n’intervient en rien, puisque ses résultats ne sont connus qu’au début du mois de juillet.

Mettre l’accent sur le caractère inéquitable du contrôle continu peut se comprendre, mais risque de mettre dans l’ombre les questions fondamentales.

La réforme du baccalauréat proposée par le ministre permettra-t-elle de rehausser le niveau de l’examen et de mieux orienter les élèves dans l’enseignement supérieur ? Il est trop tôt pour mesurer si les solutions annoncées permettront de lutter ou non contre les effets néfastes de l’inflation du diplôme.

La réforme du lycée qui en découle sera-t-elle vraiment bénéfique ? Les classes de première et de terminale seront réorganisées autour d’un tronc commun et des enseignements de spécialité. On peut penser que ces enseignements de spécialité auront des programmes plus exigeants, mais comment les articuler avec le tronc commun ? Les filières vont disparaître, mais est-il pédagogiquement efficace de réunir en tronc commun tous les élèves des ex-filières ?

Enfin, si le ministre semble vouloir mettre un peu d’ordre et de bon sens au sein du Conseil supérieur des programmes, il lui reste à s’attaquer aux forteresses des ESPE, qui forment les professeurs et où domine l’idéologie des prétendues sciences de l’éducation. Et ce n’est pas une mince affaire !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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