Confident royal, de Stephen Frears

victoria

Le choix de la critique de cette semaine fut difficile à faire pour l’auteur de ces lignes. Quel film aborder ? Le Sens de la fête ? Une gentille comédie bien troussée aux répliques efficaces, savamment rythmée et interprétée, point. Happy End ? Le dernier film de Michael Haneke se résume au regard – voulu impitoyable – que la bourgeoisie porte sur elle-même, et fait l’impasse sur les reproches hautement plus sérieux que le peuple majoritaire lui adresse régulièrement à travers ses votes…

Notre choix s’arrêtera donc cette semaine sur Confident royal.

Le film britannique de Stephen Frears revient sur l’amitié improbable et controversée entre un jeune serviteur indien et la reine Victoria, née au moment du « jubilé d’or » qui célébra en 1887 les cinquante premières années de règne de la reine d’Angleterre. Véritable coup de foudre amical, cette relation empreinte de tendresse et de loyauté suscitera haines et jalousies de la part de l’entourage de la reine qui n’aura d’autre choix, pour protéger son "munshi" Abdul Karim (interprété par le très sympathique Ali Fazal), que de s’engager dans un bras de fer permanent avec ses proches.

Tiré du livre Victoria & Abdul: The True Story of the Queen's Closest Confidant, de Shrabani Basu, lui-même tiré du journal rédigé par Abdul Karim au moment de son départ pour l'Angleterre en 1887, le film de Stephen Frears est l’occasion, pour l’actrice Judi Dench, d’incarner pour la seconde fois à l’écran la reine Victoria, après La Dame de Windsor (1997) de John Madden. Un film dont le scénario présentait de fortes similitudes avec celui-ci. À la différence près que Confident royal a des accents de comédie à l'indienne avec ses gentils démesurément bons et ses méchants qui rivalisent entre eux de mesquinerie et de veulerie. Sans doute la vérité historique est-elle plus complexe. Quoi de plus surprenant, en effet, que le parcours d’un jeune serviteur inconnu devenu en un temps record le confident de la reine puis un commandeur de l’ordre de Victoria ? Les soupçons d’arrivisme et de manipulation ont toute légitimité. Le film se garde bien de préciser, par ailleurs, qu’Abdul Karim lui-même souhaitait être anobli et accéder au rang de chevalier commandeur de l'ordre de l'Empire des Indes. Un petit détail qui peut faire toute la différence et apporte de l’eau au moulin des adversaires du "munshi"

Alors, certes, l'humour du film fait mouche, le spectateur passe un très bon moment – le talent de Stephen Frears n’est plus à démontrer –, mais l'on ne peut s'empêcher de penser que tout est grossi à l'extrême. De la reine essentiellement guidée par l'affect et dépourvue de tout sens politique au serviteur benêt et naïf qui ne comprend rien au désordre dont il est la cause et se révèle trop sensible pour se rebeller contre ses détracteurs, on sent que le réalisateur ne s'embarrasse pas de subtilités pour faire de son film une énième fable antiraciste comme le cinéma en produit à la pelle.

Le malaise, à ce sujet, survient au détour d’une séquence chez Abdul Karim, lorsque Stephen Frears cherche à nous faire rire de la burqa que revêt l’épouse du "munshi", avec l’air de ne pas comprendre la gêne (légitime) qu’éprouvent les aristocrates présents dans la pièce, représentés par leurs trognes grimaçantes comme des gens coincés et intolérants. Une hypocrisie assez crasse de la part du réalisateur, consentie sur l’autel du politiquement correct pour se donner une belle conscience progressiste et humaniste.

Restent la comédie (très réussie), les costumes et les acteurs…

2,5 étoiles sur 5.

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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