Mélina Boughedir, placée dans une cage en bois au milieu de la salle d’audience, en robe et voile noir, le plus jeune de ses quatre enfants dans les bras. Un procès expéditif devant un tribunal irakien, qui la condamne à la prison à perpétuité pour appartenance à Daech, soit, en pratique, une peine de vingt ans de réclusion.

Elle se proclame innocente : elle a été « dupée » par son mari, qui exerçait sur elle un chantage en la menaçant de partir avec les enfants. Elle a toujours été « contre les idées de l’État islamique » et « condamne les actes de [son] mari ».

Bref, c’est une victime, une victime de l’État irakien, une victime des djihadistes, une victime de la France, même. Jean-Yves Le Drian aurait incité Bagdad à la juger pour être certain, selon un de ses avocats, qu’« [elle] ne revienne pas de sitôt en France ».

Christophe Castaner de confirmer froidement, lors du "Grand Rendez-vous" sur Europe 1 et CNews, que « la justice irakienne est légitime à juger, elle a pris sa décision ».

Pour ses défenseurs et un certain nombre de médias, Mélina Boughedir est donc présentée comme une victime, digne de compassion. Pas un ne s’est interrogé sur sa responsabilité ou sa complicité éventuelle dans les massacres commis par les combattants de l’État islamique. Ni sur les soupçons qui pèsent sur elle d'avoir été membre des brigades féminines de la hisba, une police des mœurs chargée d'emprisonner les femmes qui ne respectent pas les strictes règles vestimentaires.

Bien sûr, la justice irakienne n’est pas exemplaire. On sait dans quelles conditions s’est déroulé le procès de Saddam Hussein : pouvait-on s'attendre, à l'égard d'une Française – se fût-elle égarée dans cette aventure islamiste –, à une justice plus respectueuse des droits de la défense ?

Mais la façon dont on se complaît à la victimiser relève de l’indécence. Sans doute croyait-elle aller faire du tourisme lorsqu’elle est partie en Syrie, puis en Irak, à Mossoul, capitale autoproclamée du califat ?

Les autorités françaises, pour des raisons sans doute plus politiques qu’humaines, ne souhaitent pas que les djihadistes, repentis ou non – comment faire la différence ? –, reviennent en France. « Il faut se départir de toute naïveté concernant les djihadistes et les membres de leur famille », a souligné, en novembre 2017, le procureur François Molins, à la tête du parquet antiterroriste, ajoutant « qu’on est face à des gens qui sont plus déçus que repentis ».

Récemment, sur BFM TV, il a déclaré que « la menace [terroriste] est principalement endogène », qu’elle vient de « l’intérieur ».

Il serait aberrant de renforcer cette menace en acceptant que des djihadistes ou leurs proches, quand ils sont soupçonnés de complicité, retournent sur le territoire français. La seule chose que pourrait faire dignement le gouvernement, c’est de s’assurer que, pendant sa détention, Mélina Boughédir ne subisse pas de traitements inhumains ou dégradants. Quant à ses enfants, il conviendrait de les placer dans une famille d’accueil ou chez leurs grands-parents, en veillant bien, dans tous les cas, à remédier aux endoctrinements qu’ils ont déjà pu subir.

Il serait irresponsable de se soucier plus du sort des combattants islamistes que du sort de leurs victimes, plus de l'innocence improbable de cette femme que de la protection due à tous les Français. Il serait paradoxal d’être plus indulgent à l’égard des femmes que des hommes, même si l’on sait que, dans la tradition musulmane, elles sont considérées comme inférieures.

Seuls les enfants méritent notre compassion.

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04 juin 2018 à 18:54

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