Il arrive qu'un chef d'État démérite au point qu'il doive être chassé par qui lui a confié le mandat suprême : la nation. Soit parce qu'il a commis une faute d'une gravité telle que son maintien serait le symbole inacceptable d'un avilissement de la plus haute des responsabilités, soit parce qu'il compromet l'intérêt national ou la solidité des institutions, ou de l'état de droit.

Plusieurs chefs d’État en exercice ont déjà fait l'objet d'une procédure de destitution, notamment en raison de démêlés avec la Justice, ou ont été contraints à la démission. Les exemples les plus sensationnels nous sont venus des États-Unis (impeachment lancés contre Nixon et Clinton, démission du premier et comparution devant un grand jury du second). Mais des cas récents montrent que les États-UnisA ne sont pas le seul pays à sanctionner un président qui souille sa fonction. Dilma Rousseff, au Brésil, en 2016, est destituée puis inculpée, comme l'ancien président Lula (qui, lui, est écroué). Au Guatemala, au Venezuela, au Pérou, Équateur, Paraguay... Mais l'Asie est concernée aussi : en Indonésie, Wahid est destitué en 2001 par le Parlement. En Corée du Sud, le Parlement a voté la destitution de la présidente Park Geun-hye en 2016. En Israël, à la suite d'une affaire d'évasion fiscale et de corruption, le président Weizman démissionne en 2000, pour éviter la destitution. En 2007, le président Katzav démissionne lui aussi pour échapper à la prison, mais il sera condamné et écroué en 2011. En Europe ? La Lituanie a destitué Rolandas Paksas en 2004 pour "violation grave de la Constitution et manquement au serment constitutionnel". En Allemagne, le président fédéral Wulff est contraint de démissionner en février 2012 après la levée de son immunité.

Et en France ? Aucune destitution ni démission forcée, à ce jour, de chef d'État. Mais de fortes pressions sur un candidat, mis en examen, mais qui ira jusqu'au bout de son échec (Fillon). Toutefois, la Constitution contient, depuis sa réforme de 2014, des règles qui permettent la destitution du chef de l’État, alors qu'avant sa suppression des textes, seule la haute trahison pouvait lui être reprochée. L'article 68 dispose désormais, en effet, que "le président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours."

Qu'est ce qu'un "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat" ? Nul ne le sait avec précision car le cas n'a jamais été évoqué pratiquement, mais l"article 5 de la Constitution, évoquant les "devoirs" du Président, édicte que "le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités."

Resterait à déterminer ce que contient l'idée de "fonctionnement régulier des pouvoirs publics".

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25 juillet 2018 à 10:20

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