Classes moyennes, familles, retraités : les laissés-pour-compte de Macron

Emmanuel Macron est-il le Président des riches ? La polémique bat son plein. Il faut dire que la répétition de propos méprisants pour le peuple, depuis qu’il a fait son entrée en politique, ne plaide pas en sa faveur. "Illettrés", "fainéants""les gens qui ne sont rien" ou encore, tout récemment, ceux qui "[foutent] le bordel" au lieu de chercher du travail : des formules qui valent bien les « sans-dents » de son prédécesseur !

S’il ne s’agit pas de dérapages, c’est encore pire : il pense vraiment ce qu’il dit ou il espère – comble du cynisme ! – se concilier une partie de l’opinion en tapant sur les ouvriers et leurs syndicats. On sait, depuis Machiavel, que morale et politique ne vont pas de pair, mais qui prétend gouverner autrement et moraliser la vie publique devrait, pour le moins, éviter de tels égarements.

Quoi qu’il en soit, quand on observe les mesures prévues dans le budget 2018, on peut constater que Macron ne fait guère de faveurs aux classes moyennes ni aux familles ni aux retraités. Quant aux travailleurs les moins rémunérés, le fameux « treizième mois » dont on nous rebat les oreilles n’est guère assuré : à supposer qu’il voie le jour, il sera vite grignoté par la hausse des carburants ou le gel, en dépit de l’inflation, du taux du Livret A.

Seuls les très riches semblent privilégiés. La réforme de l’ISF est à cet égard significative. En ne prenant en compte que le patrimoine immobilier et en exonérant les revenus financiers, le gouvernement décharge de l’impôt ceux qui ont les moyens d’avoir des actions et frappe notamment, parmi les détenteurs de biens immobiliers, ceux qui cherchent à conserver dans leur famille une maison ou une propriété.

Au sein même de la majorité, ce choix suscite un malaise, des députés LREM ou MoDem veulent se donner bonne conscience en taxant davantage les yachts de luxe ou les jets privés… Mais cela ne suffira pas à gommer l’image d’un Président des riches. Les grands gagnants, dans cette affaire, sont les 10 % de Français les plus aisés.

Si les gains prévisibles pour les plus bas salaires sont insignifiants, ce sont les classes moyennes qui pâtiront le plus des mesures fiscales annoncées. La hausse généralisée de la CSG touchera, en particulier, les familles nombreuses, la suppression de la taxe d’habitation n’en concernera qu’un petit nombre. La probable disparition des APL pour leurs enfants étudiants et bien d’autres surprises budgétaires les attendent.

Enfin, pour 60 % des retraités, l’augmentation de la CSG se traduira par une baisse conséquente de leur pouvoir d’achat, sans aucune compensation. On ne sait pas encore si la majoration du montant de la retraite pour les parents de trois enfants ou plus y sera soumise – à supposer qu’elle subsiste et ne soit pas forfaitisée ou plafonnée. Si c’était le cas - comme François Hollande, qui l’avait rendue imposable en 2013 -, Emmanuel Macron poursuivrait les coups bas contre les familles.

Une fois de plus, Emmanuel Macron, au lieu de rendre la société plus juste et plus humaine, satisfait à la loi du plus fort, qui est aujourd’hui celle de la finance. Même si l’on ne partage pas toutes leurs positions, on peut comprendre que La France insoumise ou le Front national dénoncent cette politique. Quant au parti LR, que Laurent Wauquiez présidera sans doute bientôt, il devra, s’il veut prospérer, retrouver ses assises populaires et se préoccuper enfin des familles et des classes moyennes.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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