Rassurons-nous en pensant à ce que disait Coco Chanel : "La mode, c’est ce qui se démode." Car, paraît-il, il est du dernier chic de se chausser de claquettes-chaussettes. On croyait que cette élégance était réservée à nos amis d’outre-Rhin ou à Jacky, le personnage incarné par Claude Brasseur dans le film Camping ("Pastis par temps bleu, pastis délicieux"). Eh bien, non !

Il serait désormais tendance d’accoutrer ses extrémités inférieures de la sorte, vieux comme jeunes. Même les filles ? Y paraît qu’oui. Les claquettes et chaussettes vont-elles prendre le pas sur les escarpins, les ballerines ou les tropéziennes en ces temps estivaux ? Le pire n’est jamais sûr. On a même vu, dans les dernières semaines de juin, des lycéens, à la grande stupéfaction de leurs professeurs se fournissant à la CAMIF, s’exhiber ainsi dans les cours de récré. Il était grand temps que les vacances arrivent...

L’un des promoteurs de cette nouvelle vague, qui n’a rien à voir avec les chaussettes noires des années yéyé, s’appelle Alrima, rappeur de son état. Son tube, qui sera, à n’en point douter, celui de l’été, s’intitule tout simplement "Claquettes chaussettes". Il fallait y penser. Quelques extraits de ce pur bonheur musical : "Ça sent l’été, j’vais tout niquer. Barbec’ à la cité… Chicha posée sur la terrasse, y a les keufs dans les parages. Personne rentre c’est nous qui faisons les barrages. Même en claquettes, on est bien sapé…" Faut r’connaître que des tubes de l’été, on en a vu de toutes les couleurs depuis cinquante ans ; de quoi même prendre son pied, parfois. Mais là, franchement…

Mais d’où vient cette mode des claquettes chaussettes ? Des quartiers populaires, nous dit-on. Une mode qui s’inspirerait moins de la tenue des Teutons en vacances sur nos plages que de celle des sportifs américains après l’effort ou encore des prisonniers qui ne portent plus depuis longtemps des pyjamas rayés comme les Dalton. On se souvient, d’ailleurs, que la manie des pantalons taille basse - "décolleté" postérieur de rigueur - venait aussi tout droit des prisons où la ceinture est interdite pour des raisons de sécurité évidentes. Certes, s’encanailler a toujours été du dernier chic, y compris dans la bourgeoisie. Mais nous voilà servis !

Alors, qu’il me soit permis un instant de nostalgie, moi qui appartiens à une génération où les tubes de l’été avaient pour titre « Aline » ou « L’Été indien ». Jadis, voire même autrefois, on s’enorgueillissait dans les milieux populaires de s’habiller « comme il faut » à certaines occasions. Avant-guerre, le pauvre puisatier de Pagnol, incarné par Raimu, après que sa fille aînée avait été séduite par un jeune freluquet de la ville, enfilait son costume, se coiffait de son chapeau et ordonnait à ses filles de revêtir leur plus belle robe. Ainsi endimanché, accompagné de sa progéniture, il s’allait demander réparation de son honneur bafoué aux parents du jeune homme. Ce sont des images un peu jaunies, certes. Mais elles illustrent ce qu’était l’honneur du peuple que des décennies d’avachissement, de débraillé tant vestimentaire que moral - cela va ensemble - ont balayé.

Aujourd’hui, donc, ça kiffe au pays des traîne-savates qu’est devenue la France. Il paraît que les chaussures en disent long sur la personnalité des gens. Sur la grandeur des nations, aussi, plus peut-être que "la minceur des épluchures", comme le prétendait Brel dans "Le Caporal casse-pompons".

Je ne sais pas si Brassens aurait "kiffé sa race" en voyant cette mode des claquettes et chaussettes se répandre au doux pays françois, y compris chez la gent féminine. Mais j’ai le sentiment qu’il aurait quand même préféré les sabots crottés de la pauvre Hélène. Pour ma part, j’aurais du mal à trouver les pieds d’une reine dans des claquettes et chaussettes. Mais chacun à ses fantasmes…

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04 juillet 2017 à 23:49

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