Cinq ans

En fait de commentaires politiques, il est fréquent que nous nous trompions. Nous nous sommes trompés en pensant qu’Emmanuel Macron n’était qu’une bulle prête à éclater ; nous nous sommes trompés en croyant qu’il existait une force de droite conservatrice à laquelle le pouvoir tendait les bras ; nous nous sommes trompés, en 2013, en écrivant que le mouvement né de la contestation à la loi Taubira déboucherait, d’ici 2017, sur une traduction politique concrète. Après tout, la divination est une science d’autant plus exacte qu’elle est pratiquée après coup.

Mais votre serviteur avait écrit, dès janvier 2015, que Marine Le Pen avait choisi la mauvaise stratégie. Et, en cela, il ne s’est pas trompé, en dépit de l’avalanche de commentaires désobligeants que ce papier lui a valus. La campagne présidentielle l’a hélas confirmé, et les législatives n’y changeront rien. Le crash du Front national, version Philippot, est une réalité et ouvre des perspectives intéressantes de recomposition, si toutefois les uns et les autres acceptent de s’y mettre sérieusement.

Le Front national a échoué parce qu’il n’a pas voulu adopter une ligne politique de droite, conservatrice sans frilosité, identitaire sans excès, habilement souverainiste, économiquement réaliste. En cherchant à draguer les électeurs de Mélenchon plutôt que ceux de Fillon, qu’il a au contraire méprisés, il a lourdement échoué. À droite, le rassemblement de Béziers organisé par Robert Ménard a également échoué, parce qu’il intervenait trop tard, ou trop tôt. Trop tard, mois d’un an avant la présidentielle. Trop tôt, parce qu’il fallait cet échec de 2017 pour casser les ambitions personnelles et donner conscience à tous les petits marquis convaincus d’être les seuls capables de gagner qu’ils ne feraient rien sans une profonde réforme de leur mode de pensée, de leurs stratégies d’alliance et de leurs discours. Ce qui vaut autant pour Dupont-Aignan que pour Sens commun, pour la droite hors les murs que pour le Front national.

Désormais, nous avons cinq ans devant nous.

Cinq ans pour, avant toute chose, travailler hors des structures partisanes, ou plutôt de manière transversale, à reconstruire un corpus d’idées, une philosophie politique, une anthropologie véritablement de droite. Sans hâte, en prenant tout le temps nécessaire pour écouter les philosophes, les penseurs, les politologues, et définir ce que signifie être de droite. Pour lire Guillaume Bernard ou Éric Zemmour, Patrick Buisson ou quelque illustre inconnu. En bref, pour se former.

Cinq ans pour apprendre à se connaître, pour discerner ce qui, au sein de chaque formation, correspond à cette vision de l’homme et de la société, et épurer les appareils des hommes et femmes qui n’ont, philosophiquement, rien à y faire.

Cinq ans pour établir un programme commun de gouvernement et de réformes.

Cinq ans pour apprendre à communiquer, à utiliser des médias hostiles et à éviter les pièges. Les communicants sont là pour ça.

Cinq ans pour irriguer la société de ces idées et la convaincre de leur bien-fondé.

Cinq ans pour définir la stature d’un véritable chef de l’État, qui sache parler de la France à la France et laisse aux subalternes les questions mineures.

Cinq ans de travail, qui passeront très vite. C’est la responsabilité de tous que d’accepter cette remise en question. Alors, seulement, les choses changeront, alors, seulement, notre pays se dotera d’un chef et d’un gouvernement de conviction.

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