Les Chinois vont-ils racheter Fiat ?

Dans l’industrie, et particulièrement dans l’automobile, tout va très vite. Au tournant des années 2000, Fiat était agonisante et sur le point d’être rachetée par General Motors. La firme transalpine avait ronronné et gardé trop longtemps les mêmes modèles, alors que la qualité n’était pas toujours au rendez-vous. Résultat : des pertes colossales. En s’appuyant sur les filiales saines (Ferrari, Alfa Romeo), les Italiens ont obtenu des crédits des banques ; ils ont renouvelé l’ensemble de leurs modèles.

Le redressement a été rapide. Les accords avec General Motors ont été rompus (contre 1,6 milliard de dollars de dédommagements) et, à la suite de la crise de 2008, Fiat a racheté 20 % de Chrysler en 2009, puis 58 % en 2011. Elle a ainsi atteint un seuil critique et elle produit désormais, au total, 5,5 millions de véhicules. Car les firmes automobiles sont contraintes de se concentrer en des mastodontes pour survivre et pour des raisons d’économies d’échelle (sur les recherches, sur les châssis et les équipements). Un constructeur isolé, replié sur un seul pays, n’arrivera plus à atteindre le seuil de rentabilité. Ainsi, Renault a absorbé Nissan ; Peugeot a avalé Citroën, puis Chrysler Europe. Est-ce suffisant ?

Désormais, la Chine et son fabuleux marché d’un milliard et demi de consommateurs (plus que l’ensemble du monde occidental) est incontournable. D’après un magazine américain, une firme chinoise inconnue (mais qui serait peut-être FCA) proposerait d’acquérir les actions de Fiat au-dessus du cours du marché. L’offre aurait été refusée, car elle serait insuffisante, mais peut-être n’est-ce qu’un moyen de faire monter les enchères, car l’entreprise transalpine a indiqué à plusieurs reprises qu’elle était prête à fusionner avec un autre constructeur. En tout cas, c’est le Chinois qui absorberait l’Italien alors qu’il produit cinq fois moins de véhicules : un signe !

Les investissements chinois en Europe ont atteint 20 milliards d’euros en 2016, contre 9,3 milliards de capitaux européens placés en Chine. La Chine sait comment protéger son marché ! Le capitalisme de l’empire du Milieu est triomphant et acquiert nombre d’entreprises mondiales en partie pour « piller » leur technologie, en partie aussi dans des investissements destinés à faire fructifier la mise de fonds de départ. En effet, les Chinois se montrent souvent moins brutaux que les fonds de pension américains qui se payent sur la bête : les fonds empruntent pour acheter et créent ainsi un faux déficit qui permet de ne plus payer l’impôt sur les sociétés et de rembourser les emprunts avec l’argent économisé, licencient à tour de bras, boostent les bénéfices et revendent au bout de dix ans.

Les Chinois, eux, sont moins agressifs et ont plutôt une vision à long terme, mais ne nous leurrons pas. « L’homme blanc » a dominé le monde de 1800 à 2000. Il a, à ce titre, dépecé et exploité la Chine. L’heure de la revanche a sonné, mais nous laisserons-nous coloniser ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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