Selon une étude à laquelle a participé le Français Gabriel Zucman, nos compatriotes détiendraient, à titre individuel, près de 300 milliards d’euros dans les paradis fiscaux, soit 15 % du PIB de la France. En outre, 0,01 % des contribuables les plus riches (soit 3.500 ménages) dissimuleraient 150 milliards à eux seuls. De même, pour une autre enquête plus ancienne, le total des placements hexagonaux qui échapperaient à toute taxation avoisinerait 600 milliards, dont 250 pour les particuliers et 350 pour les entreprises.

Néanmoins, ces chiffres sont à prendre avec précaution. Cet argent est, par définition, caché et issu de la fraude. Ceux qui enquêtent sur ces fonds établissent leurs estimations à partir des informations qui filtrent lors des scandales comme les Panamas Papers, des bilans des établissements bancaires et des PIB des États concernés, mais le tout reste, bien sûr, approximatif. Tout au plus permet-il d’avoir un ordre de grandeur et de faire des comparaisons entre les différentes nations.

Notre pays est nettement au-dessus de la moyenne internationale, qui s’établit à 9,8 % du PIB. Néanmoins, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie ont des pourcentages similaires aux nôtres, tandis que les Américains « fraudent » moins que nous. Les pays nordiques détiennent la palme du civisme. Curieusement, il n’existe aucune corrélation entre les taux d’imposition élevés et l’importance des sommes soustraites au fisc, car des pays, par ailleurs champions des prélèvements comme la Finlande, comptent parmi les plus vertueux ; a contrario, l’Irlande, à la fiscalité douce, est autour de 10 %. L’efficacité des services fiscaux étant la même partout dans l’OCDE, l’explication tiendrait-elle à l’éducation reçue et aux préjugés moraux des contribuables ?

Par ailleurs, si on mettait un terme à cette fraude, nous ne terrasserions pas pour autant la dette, contrairement à une opinion répandue surtout à gauche. D’abord, nous n’arriverons jamais à éliminer les paradis fiscaux, sauf à pratiquer de lourdes sanctions économiques pour contraindre les récalcitrants. Ensuite, quand le fisc français démasque un fraudeur, il lui confisque au mieux 50 % des sommes dissimulées. Sur vingt-cinq ans (période nécessaire pour assainir totalement la situation), une chasse efficace (mais utopique) rapporterait au mieux 6 milliards par an (contre 2 milliards actuellement). C’est bien mais insuffisant. Et si tout cet argent illégal était spontanément rapatrié en 2018, il ne générerait que 7 milliards au mieux de revenus supplémentaires à l’État. Ce n’est pas négligeable, mais le déficit sera de 81 milliards en 2018 !

Bien sûr, contraindre les entreprises à être vertueuses doublerait la mise, mais dans leur cas, il s’agit plus « d’optimisation fiscale », qui est difficile souvent à qualifier juridiquement de fraude. Par exemple, les tribunaux ont donné raison à Google contre Bercy.

Lutter contre la fraude est impératif, mais n’en attendons pas des miracles.

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01 octobre 2017 à 16:22

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