Chemin des Dames : « À 7 heures, la bataille était perdue »

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Le 16 avril 1917, la guerre atteint son 986e jour. Le général Robert Nivelle (1856-1924), qui a remplacé en décembre 1916 le général Joseph Joffre (1852-1931) à la tête des armées françaises, reprend l’idée de son prédécesseur : concentrer un maximum de forces sur une partie du front afin de l'enfoncer et en terminer avec la guerre de positions. Le terrain est choisi : c’est le Chemin des Dames [ref]Ce Chemin des Dames doit son nom à Adélaïde et Victoire, filles du roi Louis XV et, donc, dames de France. Elles empruntaient ce chemin de plaisance, qui a été empierré, pour rendre visite à leur gouvernante et dame d’honneur, Mme François de Chalus, au château de la Bove à Bouconville-Vauclair.[/ref] , que les Allemands ont transformé en véritable forteresse. Le général Nivelle estime que ce secteur, situé entre Reims et Soissons, est mal défendu.

Nivelle prévoit une attaque frontale qui doit surprendre l’ennemi et l’anéantir, ou au moins le faire reculer. Nivelle a utilisé cette technique à Verdun. Elle a fonctionné. Avec succès. Les quatre jours précédant l’offensive, l’artillerie a préparé le terrain : 533 obus sont tirés en moyenne par minute, mais le brouillard et la brume persistants ne permettent que des tirs approximatifs.

Dès 3 h 30, le 16 avril, les hommes de première ligne se préparent et avancent jusqu’aux premières tranchées ennemies. Beaucoup de soldats sont désorientés par les ordres et les contre-ordres. De plus, la veille, beaucoup ont fait « la bombe », c’est-à-dire la fête : "Comme nous ne savons pas si nous reviendrons, il fallait en profiter : une courte lettre à sa famille, presque un adieu, et en route", témoigne Paul Clerfeuille (1885-1983), du 273e RI.

À six heures du matin, près d’une centaine de régiments d’infanterie s’engagent dans la bataille. Mais l’effet de surprise ne joue pas. Pour deux raisons. La première est que les Allemands avaient investi le Chemin des Dames depuis l’automne 1914. Ils ont eu le temps de construire des souterrains de protection et des abris souterrains à 10 ou 15 m de profondeur. Ils attendent les unités d’infanterie françaises de pied ferme. La seconde est que les Allemands avaient appris de certains prisonniers que les Français s’apprêtaient à attaquer.

L’ancien chemin de plaisance se transforme vite en chemin de souffrance. Selon le député des Basses-Pyrénées Jean Ybarnégaray (1883-1956), qui sert comme officier d’état-major au 249e régiment d’infanterie, "la bataille s’est livrée à six heures du matin, à sept heures, elle était perdue !"[ref]Phrase prononcée lors d’un comité secret à la Chambre des députés le 20 juin 1916.[/ref] L’emploi des premiers chars français dans le secteur de Berry-au-Bac ne change rien, bien au contraire[ref]Sur 128 chars engagés, 57 sont détruits, 64 tombent en panne ou restent enlisés. Le bilan humain est lourd : 9 officiers tués, 17 blessés, 7 disparus. 25 hommes tués, 92 blessés et 30 disparus.[/ref].

Cette bataille à laquelle participent de futurs grands personnages[ref]Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952), alors capitaine adjudant-major au 93e régiment d’infanterie ; Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), caporal-brancardier au 8e régiment de marche de tirailleurs marocains ; Marc Bloch (1886-1944), officier au 72e régiment d’infanterie, etc.[/ref] ne s’achève qu’avec le retrait des Allemands le 1er novembre 1917 au prix d’environ 100.000 morts, blessés, disparus et prisonniers côté français, et 80.000 côté allemand. Cette bataille est à l’origine des très controversées mutineries qui auront finalement fait moins de fusillés qu’en 1914 ou 1915. Mais le Chemin des Dames est-il un échec ? Un demi-succès ? Les historiens en débattent encore.

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