Décrié, critiqué, haï même, Donald Trump fait pourtant le « job », comme on aime à le dire aux États-Unis. Alors que le secteur de la sidérurgie fait face, en Europe comme aux États-Unis, à une concurrence asiatique hors de contrôle, le président des États-Unis envisagerait une série de mesures, parmi lesquelles l’instauration de barrières douanières et, possiblement, la fixation de quotas destinés à limiter les importations d’acier et d’aluminium pénalisant la production nationale américaine.
 
"Une partie des options serait de mettre en place des taxes. Puisqu'ils font baisser les prix de l'acier, qu'ils payent des taxes, des taxes substantielles, ce qui permettra aux États-Unis de gagner beaucoup d'argent. […] Je veux que les prix baissent, mais je veux aussi garantir que nous ayons une industrie de l'acier et de l'aluminium, nous en avons besoin pour notre défense nationale", a ainsi dit the Donald. Dans sa ligne de mire, le « dumping ». C’est ce même « dumping », qu’il soit social ou fiscal, qui pose d’immenses difficultés aux filières sidérurgiques et papetières en France, particulièrement dans notre région Grand Est.
 
Mieux : l’option de droits de douane et/ou de quotas différenciés en fonction des pays d’origine des importations serait à l’étude. Et les résultats ne se font pas attendre, la simple évocation de ces mesures par Donald Trump ayant provoqué une flambée des titres des sidérurgistes à Wall Street. De l’autre côté de l’Atlantique, chez nous, des usines ferment à tour de bras ; ainsi, tout récemment, des liquidations judiciaires d’Ascometal, revendu à un groupe suisse, ou de la papeterie de Raon-l’Étape.
 
Les industries de filières sans haute valeur ajoutée sont attaquées par leurs concurrents étrangers, qui bénéficient d’atouts structurels que nous ne possédons pas, se montrant particulièrement agressifs. Pourtant, l’acier et le bois sont des ressources fondamentales pour une nation comme la France, si elle entend rester pleinement souveraine. Que faire ? L’Union européenne a bien tenté de revoir à la hausse les mesures anti-dumping sur les importations d’acier chinois, par exemple. Mais rien n’y fait, car la Chine surproduit volontairement pour inonder le marché, jouant double jeu.
 
Du reste, ces mesures « anti-dumping » à l’échelle du marché unique ne protègent pas l’industrie française de l’acier contre la concurrence intra-européenne, notamment italienne et allemande. Avec 14 % de la production européenne, la France n’est ainsi qu’en troisième position sur ce marché, loin derrière l’Italie (20,5 %) et surtout l’Allemagne (39,7 %). Au niveau mondial, c’est encore pire. La production française étant passée sous la barre de 1 % en 2015 (16e rang derrière des pays comme la Turquie ou l’Iran), année d’une chute importante de la production nationale. Une production divisée par plus de deux en à peine une décennie… Dans les années 1990, la France était le 9e producteur mondial.
 
L’exemple américain nous donne des pistes de réflexion. Je défends l’idée d’un protectionnisme intelligent, adapté à nos besoins, de nature à préserver l’emploi et les industries stratégiques. En effet, la sidérurgie est notamment une filière dont l’importance dans notre vie économique "résulte moins de sa taille que de sa place dans la chaîne de production, comme fournisseur direct ou indirect de l'industrie métallurgique […], des fabricants de biens d'équipement, de l'industrie du bâtiment […] et de beaucoup de fabricants de biens de consommation", ainsi que le soulignait le rapport Faure remis au gouvernement en 2012. Évidemment, rien n’a été fait depuis. Autre chose : la France doit continuer à innover, à être en pointe. Pour cela, nous devons massivement investir dans les aciers spéciaux, dont la fabrication complexe nécessite l’emploi d’ouvriers très qualifiés.

La lente disparition de la sidérurgie française affecte particulièrement notre région Grand Est, où les fermetures d’usines se multiplient, année après année. Il est possible que ce secteur soit complètement démantelé d’ici à l’année 2035. Tout est su, le gouvernement a les cartes en mains. Pourquoi, donc, ne pas agir en conséquence ?

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19 février 2018 à 17:58

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