Interview exclusive, pour Boulevard Voltaire, de Ferrán Núñez, écrivain et officier cubain. Il proteste contre l'exposition sur le Che organisée par la mairie de Paris et défendue par Mme Hidalgo, car présenter comme une icône "un bourreau sanguinaire, raciste et assoiffé de sang" ne correspond pas aux valeurs de la France.

Ferran Nunez, comment êtes-vous passé d’officier de l’armée cubaine à dissident du régime ?

Mon parcours est assez long, mais assez classique dans le cadre d’un régime communiste. Ce n’est pas si compliqué que cela quand on regarde le fond des choses. J’étais militaire de carrière, je suis allé à l’académie, comme celle de Saint-Cyr en France.
À côté de cela, j’écrivais des poésies, des contes, des nouvelles...
Les militaires ne sont pas censés faire cela. Ils doivent obéir aux ordres et surtout ne pas réfléchir par eux-mêmes.
À cause de cela, j’ai eu des ennuis. J’ai été incarcéré dans une prison de sécurité pendant 3 mois. Les conditions très difficiles m’ont marqué. J’ai été expulsé de l’armée. Je me suis retrouvé dans la rue. J’avais toujours eu le soutien de mes parents, mais j’étais sans travail, et sans espoir de m’en sortir par mes propres moyens.

Pouvez-vous nous parler de deux choses importantes de votre vie : la guerre du Nicaragua et la littérature ?

L’expérience militaire, le fait d’avoir été confronté à la guerre, à la mort, à la souffrance m’a fait mûrir, grandir et prendre conscience de certaines choses. Cela s’est évidemment traduit dans mes écrits, mais à l’époque je n’étais pas un dissident classique. Déjà à l’époque, il y avait des dissidents organisés, dont des personnalités importantes d’ailleurs.
Moi je n’étais pas dans cette optique-là.

La maire de Paris s’est récemment enthousiasmée pour une exposition consacrée à Che Guevara qu’elle a qualifié de "héros romantique". Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Je suis contre cet avis de la maire de Paris. Je suis même opposé à la tenue de cette exposition pour une raison toute simple. Le Che, et tout ce qu’il a fait dans sa vie, tout son parcours révolutionnaire, sont loin d’être aussi romantiques que ce que veut nous faire croire la maire de Paris.
On fait des expositions pour le Che et on ne s’attarde pas sur le personnage, et toutes les choses qu’il a pu faire ne sont pas du tout romantiques.
Il faut distinguer trois moments dans la vie du Che.

D’abord, jeune, c’était un idéaliste communiste. Il a fait tout un parcours initiatique dans l’Amérique latine. Cette période a été montrée au cinéma récemment.
Il s’est formé et a eu une vision. Il a identifié l’ennemi commun de toute l’Amérique latine, les États-Unis. Lorsqu’il rencontre Castro au Mexique, c’est une rencontre de deux personnes qui voulaient la même chose. Quand le Che est arrivé à Cuba, il a soutenu Castro. Dès qu’il a débarqué avec lui en 1956, il s’est distingué par son caractère sanguinaire. Quand on entend les histoires de ses anciens compagnons ou ceux qui l’ont connu directement, on sait qu’il n’hésitait pas à tuer quelqu’un de sa propre main au moment où il était avec Castro dans les montagnes. Il participait à des exécutions sommaires et parfois il exécutait lui-même des personnes qui avaient volé une boîte de lait concentré sucré.
Tous les processus révolutionnaires ont une période similaire. Ici en France, ce fut la Terreur. Elle fut ensuite le modèle appliqué par Lenine en Russie. C’est le même modèle qui a été appliqué au début de la révolution à Cuba. La personne toute trouvée pour mettre cela en oeuvre à Cuba était le Che. Cela s’est fait tout naturellement. Castro ou le frère de Castro aurait pu le faire. Ce dernier a d’ailleurs dirigé quelques exécutions sommaires également. Mais ça a été le Che, car il avait cela en lui. Par exemple, lorsqu’il était à la Sierra Maestra, et qu’il écrivait à sa femme, il disait qu’il était "assoiffé de sang". Il a écrit ces lettres de sa propre main. On dit parfois que c’est un mythe, que c’est exagéré, qu’elles ne sont pas forcément vraies. Mais non, ce sont des choses qu’il a écrites de sa propre main. Il disait : "je suis ici , au milieu des montagnes, assoiffé de sang".
Il était alors chargé d’appliquer la terreur au milieu des montagnes. Celui qui n’était pas content, celui qui ne voulait pas donner les cochons ou la vache pour nourrir la troupe était tout simplement fusillé ou assassiné. Cela est arrivé.

Ensuite, il y a un deuxième moment de la vie du Che Guevara. C’est le moment où il a été le chef de la Cavana, une ancienne forteresse militaire espagnole aménagée pour accueillir tous les opposants au régime de Castro. Il y avait près de 1000 personnes entassées pour 350 places. Il avait été chargé par Castro de juger toutes ces personnes-là. Il y a en avait de l’ancien régime, mais il y avait aussi des innocents, puisqu’il fallait instaurer la terreur.
C’était un criminel sanguinaire. Quand on étudie les statistiques, on voit bien qu’il y a eu des exécutions sommaires. À cette époque-là, il n’y avait pas de juges. Lui et son secrétaire recueillaient les avis et décidaient.

Enfin, dans la dernière période, il voulait amener la révolution dans le monde entier. Il voulait faire des centaines de Vietnam dans le monde. Il est donc parti en Afrique et dans l’Amérique espagnole. Lorsqu’il était en Afrique, il était extrêmement raciste. C’est quelque chose qu’on ne connaît pas bien du Che. Il se plaignait que les noirs étaient très sympas, mais qu’ils ne se douchaient pas. Il était très méprisant envers les noirs.

"Terroriste, sanguinaire, raciste", on est assez loin du romantisme, non ?

Le mot qui vient à l’esprit après tout ce que je viens de vous raconter, c’est celui de bourreau. C’était un bourreau et il avait plaisir à le faire. Ce n’était pas juste son devoir. Il y prenait du plaisir. Il l’a écrit, il l’a dit, il l’a confirmé et même publiquement. Quand il écrit à sa femme, c’est bien, mais c’est encore plus clair lorsqu’il va aux Nations Unies et proclame qu’on a fusillé et qu’on fusillera encore tout ce qui sera nécessaire. Il a dit cela devant les Nations Unies et tout le monde applaudit  !
L’exposition est contestable du fait que c’est un assassin avéré et un bourreau. Cela ne représente pas du tout ce qu’est la France et les valeurs que l’on défend ici. Même quand vous êtes communiste, vous pensez qu’il est possible d’exprimer ses idées à travers un journal, un site ou un blog.
Le Che non seulement méprisait la vie humaine, mais en plus ne respectait pas les valeurs démocratiques. Il était contre la liberté de la presse. Ce n’était pas la vérité qui comptait pour lui, mais la victoire de la révolution.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 08/01/2018 à 19:33.

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05 janvier 2018 à 17:16

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