Dans le prolongement de l'annonce faite par le Premier ministre d'un nouveau plan d'action contre le terrorisme (PACT) - un de plus -, le ministre de l'Intérieur a annoncé que "la DGSI assurera la coordination opérationnelle du renseignement, des investigations judiciaires sous l’autorité des magistrats, et des stratégies de coopération nationale et internationale du ministère de l’Intérieur en matière antiterroriste". Un nouvel état-major de coordination opérationnelle installé dans les locaux de la DGSI rassemblera, d’ici cet automne, quatorze services, dont la gendarmerie, mais aussi les armées et les services fiscaux. La gendarmerie devrait être représentée par un militaire de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) qui centralise, entre autres, les renseignements liés au terrorisme dont elle a connaissance. Cet état-major aura pour objectif de "renforcer la fluidité de l’information" et devrait se réunir, a minima, de manière hebdomadaire !

Cette réorganisation va dans le sens des conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015 qui avait mis en relief une trop grande dispersion des services de l'État concernés. On se demande bien, d'ailleurs, pourquoi il aura fallu attendre deux ans de latence avant que la puissance publique ne réagisse. Si cette mesure va donc dans le bon sens, elle n'en est pas moins un leurre pour deux raisons principales.

D'abord, elle ne va pas jusqu'au bout du raisonnement en prenant en considération la proposition de la commission d’enquête parlementaire de créer une agence nationale de lutte antiterroriste, rattachée directement au Premier ministre, en charge de l’analyse de la menace, de la planification stratégique et de la coordination opérationnelle, mesure de coordination de bon sens (proposition n° 18).

D'autre part, le nouveau parquet national antiterroriste qui va être créé ne sera pas représenté dans ce nouvel état-major alors que l'on sait, depuis l'« affaire Merah », que les magistrats spécialisés doivent pouvoir rentrer dans la « boucle » du renseignement et, inversement, les services de renseignement rentrer dans l'information détenue par les services judiciaires. Le manque de coordination entre les magistrats et les services de renseignement persiste donc.

Ensuite, elle est aussi un leurre en ce qui concerne l'amélioration du dispositif de renseignement territorial. Cette mesure reconnaît la pertinence de l'action de la SDAO et va permettre de mieux coordonner le travail et la participation de la gendarmerie à la détection et au suivi d'individus radicalisés. Pour autant, elle ne va pas, non plus, jusqu'au bout du raisonnement en accordant à la gendarmerie les moyens nécessaires à son action de renseignement territorial.

La situation pourrait être largement améliorée en confiant à la gendarmerie une chaîne complète et autonome, distincte de celle de la police. En effet, la gendarmerie est seule présente sur 95 % du territoire national, avec ses 3.100 brigades territoriales qui n'ont pas encore donné tout leur potentiel dans une situation de risque terroriste endogène. Cela n'empêcherait nullement un échange sain entre les services locaux dans le cadre des groupes départementaux d'évaluation (GDE) des préfectures. La synthèse du renseignement territorial pourrait s'effectuer au sein d'une Direction générale du renseignement territorial (DGRT), rattachée au ministre de l'Intérieur, comme la DGSI, où seraient représentées les deux directions, gendarmerie et police. C'est aussi ce que proposait la commission d'enquête parlementaire dans ses conclusions (proposition n° 14).

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22 juillet 2018 à 18:41

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