Xavier Raufer remarquait avec effarement à quel point Emmanuel Macron et son équipe, par leur gestion désastreuse de la crise des gilets jaunes, écrivaient scrupuleusement, chapitre après chapitre, le manuel de tout ce qu'il ne faut pas faire dans une telle situation (http://www.bvoltaire.fr/xavier-raufer-fichage-des-casseurs-ce-gouvernement-est-soit-cynique-soit-incapable/). L'apprenti Président qui voudra tirer tout le profit possible de cette crise aura aussi à sa disposition le livre que rédige actuellement la droite LR, censée incarner l'opposition.

Il faut dire que les choses avaient mal commencé. Entre le vrai-faux gilet jaune de Laurent Wauquiez, en novembre, et l'apparition de Nicolas Sarkozy en deus ex machina venant murmurer à l'oreille d'Emmanuel Macron ses quatre mesures du 10 décembre (dont les vrais-faux 100 euros), la droite LR était apparue dépassée, hors jeu ou - pire - complice du pouvoir macronien.

Mais, cette semaine, elle a ajouté des pages d'anthologie.

Après le nouvel épisode de samedi, marqué par une reprise de la mobilisation, et certaines violences, dont la spectaculaire exfiltration du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, on a assisté à un concert de soutien de dirigeants LR.

Guillaume Peltier : "Défendre la justice et le mérite, c’est un noble combat. Mais l’anarchie, la violence et le désordre sont inadmissibles. Je m’oppose politiquement à @BGriveaux, mais ce soir, je suis à ses côtés. Je suis toujours du côté de l’ordre."

C'est beau comme l'antique, mais n'était-il pas possible de rappeler l'irresponsabilité du même Benjamin Griveaux qui n'a cessé d'exciter la colère des gilets jaunes, la veille, encore, de l'acte VIII ? De lui demander de changer de discours et d'attitude ? C'était le minimum.

Lundi soir, l'intervention d’Édouard Philippe suscitait à son tour un concert d'éloges, cette fois de la part des sénateurs LR, dont le président du Sénat Gérard Larcher et le président du groupe Bruno Retailleau. Là encore, « l'ordre » agissait comme un mot magique.

Mais le devoir de l'opposition, c'était précisément de dénoncer l'incapacité du gouvernement à l'assurer depuis deux mois ! Elle aurait dû aussi critiquer son deux poids deux mesures que traduit cet activisme sécuritaire soudain (une loi, un fichier) dirigé contre ce mouvement-là. Elle se serait montrée intelligente, enfin, si elle avait essayé de comprendre cette révolte qui n'est ni seulement fiscale ni seulement sociale, mais bien plus profonde. Au lieu de tout cela, la droite LR, suicidaire, s'est enfoncée dans un conformisme craintif qu'elle croit être de la responsabilité.

Conformisme craintif ? Luc Ferry, ministre de Chirac, soutien de Fillon en 2017, s'est, lui, montré plus royaliste que le roi : "Qu'ils se servent de leurs armes une bonne fois, écoutez, ça suffit ! On a la 4e armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies !" Rien que ça...

Une dernière preuve de cet abaissement ? Renaud Muselier a déclaré, hier, que Christophe Castaner "faisait du bon boulot". C'est peut-être une manière de remercier Castaner. En effet, sans le désistement de ce dernier aux élections régionales de 2015, Muselier ne présiderait pas la région Provence-Alpes-Côte d'Azur aujourd'hui. Cet ineffable Muselier qui lance une cagnotte pour les policiers blessés mais oublie de rappeler que l'État doit 20 millions d'heures supplémentaires aux policiers.

Que recherche donc cette droite ? Rejoindre la majorité d'Emmanuel Macron dans un gouvernement d'union nationale, pour ceux de ses membres qui ne l'ont pas encore fait ? Ou s'imposer dans une cohabitation et, donc, présenter certains gages de pseudo-respectabilité ? On ne voit guère comment les 8 % que lui promettent les sondages peuvent lui donner de si grandes espérances.

Face à cette crise historique des gilets jaunes, qui couvait depuis très longtemps, et dans laquelle elle a sa part de responsabilité (par ses propres trahisons des aspirations populaires), la droite LR a fait preuve du même aveuglement que le gouvernement. Aujourd'hui, alors qu'elle devrait exiger un retour aux urnes indispensable et inévitable, et proposer une alternative forte et populaire, elle ne trouve rien de mieux que de se rallier à lui, au moment où il est tombé de son piédestal ! En accréditant ainsi l'idée qu'il n'y pas d'autre attitude responsable, elle se coupe un peu plus encore de son électorat et du peuple. Ainsi marginalisée, elle pourrait être balayée avec Emmanuel Macron. Et ce ne sera que justice. Pour l'une comme pour l'autre.

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09 janvier 2019 à 10:13

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