Castaner, Macron, démission ? Le divorce entre le pouvoir et le peuple est consommé

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"Castaner, démission !" : c'est le titre d'une pétition lancée par le Rassemblement national, qui estime qu'il est indigne de la fonction de ministre de l'Intérieur et l'accuse d'"incompétence, mépris, mensonges, insultes" dans sa gestion de la manifestation des gilets jaunes sur les Champs-Élysées. Non seulement "il a laissé les casseurs libres de tout saccager alors qu’ils étaient identifiés" mais il traite les manifestants de "séditieux d'ultra-droite" et "ment sciemment aux Français" en mettant directement en cause Marine Le Pen. Au-delà de Castaner, c'est tout le pouvoir qui est discrédité.

Certes, cette pétition, quel que soit le nombre de ses signataires, reste symbolique puisque, dans notre Constitution, c'est le président de la République qui, sur proposition du Premier ministre, nomme les membres du gouvernement. Mais elle souligne l'impéritie d'un ministre de l'Intérieur qui, au lieu de garantir la sécurité et le droit de manifester, se comporte en militant politique et en propagandiste zélé.

On sait que la nomination de Christophe Castaner à la place Beauvau n'était pas souhaitée par le Premier ministre – d'où le délai inhabituel pour remplacer Gérard Collomb – et qu'elle lui fut imposée. Sans doute Édouard Philippe, pour l'avoir beaucoup fréquenté quand il était secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, jugeait-il, non sans raison, qu'il n'avait pas la carrure pour accomplir cette mission.

Récemment, Marion Maréchal, dont les prises de parole sont rares, a sévèrement tancé le ministre de l'Intérieur, qui fut l'un de ses adversaires aux régionales de 2015 avant de se retirer, au second tour, pour faire gagner Christian Estrosi. Dans un tweet, elle a déclaré : "J’avais trouvé #CCastaner assez minable comme adversaire aux régionales, il l’est encore davantage comme ministre de l’Intérieur en réprimant violemment les #gilets jaunes." Force est de constater que l'épithète de « minable » qualifie bien l'attitude de ce parvenu de la politique, d'autant plus hargneux qu'on souligne ses défauts.

On aurait tort, cependant, de ne s'acharner que sur lui. Cet affidé de Macron ne fait que reproduire la voix de son maître qui, le premier, fit allusion aux dangers d'un retour aux années 30. Le chef de l'État prépare la campagne des européennes en se présentant comme le champion des « progressistes » contre les « nationalistes » et les « populistes ». Il a souvent fustigé la « lèpre populiste », en France et en Europe. Comble de la démagogie et de la provocation, il s'est approprié le terme de « populiste » devant un parterre de maires : « Nous sommes de vrais populistes, nous sommes avec le peuple, tous les jours."

Au-delà de sa stratégie politique, Marine Le Pen, en demandant la démission de Castaner, se fait l'écho du sentiment de nombreux Français, notamment des gilets jaunes qui vont même plus loin qu'elle puisque leur slogan préféré est : "Macron, démission !" Ils demandent une autre politique, que leur refuse un Président trop sûr et imbu de lui-même. En s'enfermant dans ses certitudes, en méprisant les appels des Français, en alléguant faussement qu'une majorité d'électeurs ont approuvé ses engagements de campagne, il met à mal la démocratie.

Le seul moyen de le lui faire comprendre, c'est de lui répéter, à chaque occasion et, prochainement, aux élections européennes, qu'on ne se moque pas durablement du peuple. Aucune autorité n'est respectable quand elle se discrédite à ce point.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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