La future loi sur la moralisation de la vie publique suscite bien des remous à l’Assemblée. Alors que le candidat Macron s’était dit favorable à l’obligation de présenter un casier judiciaire vierge pour être candidat à une élection, le gouvernement recule, arguant d’un risque d’inconstitutionnalité. Selon Nicole Belloubet, ministre de la Justice et issue du Conseil constitutionnel, l’automaticité de la peine est incompatible avec les dispositions de la Constitution. Exit, donc, le casier vierge.

En réalité, tout cela sent l’amateurisme à plein nez.

On conçoit volontiers que, dans le cadre d’une campagne électorale qui se prête peu à la nuance, un candidat énonce une proposition « brute », telle que le casier vierge. Une fois arrivée devant le Parlement, la mesure doit être affinée. Quel en est l’esprit ? Comme le dit le gouvernement, moraliser la vie publique. C’est-à-dire empêcher l’élection de personnes ayant été condamnées pour diverses infractions, notamment celles relatives à la probité. Or, tous les juristes le savent, l’adverbe "notamment" est une boîte de Pandore. Parce qu’il exclut tout caractère limitatif, il permet toutes les interprétations. Et on imagine assez bien ce qu’un gouvernement malicieux pourrait faire entrer dans la loi, aujourd’hui ou après-demain…

Pour nous en donner un aperçu, les élus (pardon, élu-e-s) LREM ont inséré un amendement tendant à rendre inéligibles les personnes condamnées pour des faits de discrimination, injure ou diffamation publique, provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l'orientation sexuelle. On sait ce que cela signifie. Sous l’empire de la loi Gayssot, révisée à de nombreuses reprises, n’importe quelle personne condamnée pour un propos un peu déviant est visée par le texte. C’est-à-dire à peu près tous ceux qui ne se coulent pas dans le moule du politiquement correct. Quant à ceux qui, grâce à la bienveillance du parquet, ont échappé aux poursuites, ils peuvent librement briguer les suffrages de leurs concitoyens. Voici un moyen redoutablement efficace de contrôler les opposants.

Par ailleurs, la notion de casier judiciaire vierge est ambiguë. Quid de l’individu condamné pour délit routier (c’est désormais à la portée de n’importe quel honnête citoyen) ou pour homicide involontaire ou encore pour diffamation ? Cela l’empêche-t-il de faire un excellent parlementaire ? En revanche, limiter la mesure aux atteintes à la probité est évidemment insuffisant. Le trafic de stupéfiants, les violences et agressions, la banqueroute et autres infractions graves ne seraient-elles jamais visées ? En réalité, la seule manière de procéder est d’établir avec précision la liste des crimes et délits visés, et d’en exclure tout ce qui présente un caractère mineur, involontaire et, bien entendu, tout ce qui relève du délit d’opinion ou d’expression. Reste à savoir si « l’opposition » aura le courage de le proposer, puis de saisir le Conseil constitutionnel dans l’hypothèse hautement probable où le texte maintiendrait l’amendement précité sur les diverses discriminations.

Et tout cela ne nous dit rien d’une autre atteinte à la probité, plus grave mais jamais sanctionnée : celle qui consiste à prêter une oreille attentive aux lobbies de tous bords, bancaires, pharmaceutiques, industriels, voire philosophiques. Une oreille qui mériterait d’être vigoureusement tirée lorsque l’intéressé se fait piquer avec les doigts dans le pot de confiture. On peut toujours rêver…

Ainsi, donc, dormez tranquilles, citoyens, le gouvernement veille sur vous. Vous vous réveillerez demain avec une nouvelle atteinte à votre liberté, au nom de la lutte contre la corruption. Cela ne vous rappelle rien, Français sans mémoire ?

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26 juillet 2017 à 10:43

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