Brigitte Macron : il gouverne avec elle et elle gouverne avec lui

Mercredi soir, France 3 diffusait "Brigitte Macron, un roman français".

Quand Carla Bruni susurrait ses chansons à l’oreille de Nicolas, quand Valérie Trierweiler embrassait Francois à pleine bouche le 6 mai 2012 sur le podium de la victoire ou même quand Bernadette lançait son opération « pièces jaunes », les Francais s’agaçaient : « On n’est pas en monarchie , on élit un dirigeant, pas son conjoint, et puis n’est pas Diana qui veut ! »

Pourtant, une des journalistes interviewées dans le reportage dit que le mariage d’Emmanuel Macron avec une femme de 24 ans son aînée a fait plaisir aux Françaises. Sans doute : l’injustice subie par les femmes que les maris abandonnent trop souvent après des années de mariage pour une plus jeune se trouve tout à coup comme effacée…

Libération y voit aussi , dès juin 2017, une réparation du sort de Gabrielle Russier, ce professeur tombé amoureuse de son élève qui se suicida en prison, jouée magnifiquement par Annie Girardot en 1971 dans le film Mourir d’aimer, sur une inoubliable chanson de Charles Aznavour.

Mais comme « roman francais », c’est plutôt du côté de Stendhal qu’il faut chercher. Julien Sorel fut moins heureux en amour qu’Emmanuel Macron. Il dut mener seul à bien son ambition et s’y brûla les ailes. Brigitte Auzière, contrairement à madame de Rênal, osa quitter son mari pour partager avec son jeune amant, loin de leur province natale, les feux de la notoriété et l’aider à gravir les marches du pouvoir.

Son atout maître est la discrétion.

Dans le reportage, filmée quand elle quitte le cabinet de Bercy où Emmanuel l’avait imposée, elle ne dit que trois mots : « Merci de m’avoir fait cette place parmi vous. »

Le seul moment où elle s’affirme, c’est durant la campagne, quand elle fait répéter ses discours au Président comme jadis les pièces de théâtre à son élève.

Cet effacement volontaire se double d’une bienveillance constante. Les inévitables selfies, les rencontres avec les gens, qu’ils soient « people » ou gens « de rien », tout semble vécu dans la simplicité et le sourire.

Le sourire , c’est ce qu’ils ont en commun, tous les deux. Sur toutes les images, il leur mange le visage, il perce l’écran.

À leur histoire d’amour on a envie de croire. La fille de Brigitte, sur France 3, en parle si bien.

À leur ambition aussi…

Brigitte pourrait-elle autrement, femme libre investie dans un travail d’autorité, supporter sa relégation derrière son ancien élève ?

Car, certes, elle s’habille comme elle l’entend. Avec sa ligne filiforme, elle porte très bien ce style Courrèges très français, et tant pis si c’est court, très court. Et puis les jeans collants noirs avec veste claire, elle en a porté toutes ces années où elle a enseigné, même à Franklin où « ça dénotait », commente dans le film une mère d’élève. Elle va les garder à l’Élysée.

Mais il y a plus. Refusant d’être sur les photos officielles derrière son mari, Brigitte ne fait peut-être qu’affirmer une simple vérité : il gouverne avec elle, et elle gouverne avec lui. Pour la première fois sous la République, on renoue avec le réel pouvoir qu’avaient naguère les reines françaises, pourtant écartées du trône par la loi.

Alors, première « première dame » en jeans, oui.

Mais première coprésidente, peut-être aussi.

L’opposition lui a refusé un statut, sans voir qu’elle l’avait déjà, car elle a le triomphe modeste.

Quand elle partira, elle dira juste trois mots : « Merci de m'avoir acceptée comme j’étais. »

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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