Blanquer a beaucoup à faire s’il veut nettoyer les écuries d’Augias !

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Cette semaine, on parle beaucoup de la rentrée des élèves, des premières réformes lancées par le nouveau ministre. On parle moins de la rentrée des professeurs stagiaires recrutés à la session 2017 des concours, dont une partie des postes n’a pas été pourvue, notamment en mathématiques, en lettres classiques, en allemand et même en anglais.

Le métier de professeur est-il à ce point dévalorisé ? L’Éducation nationale court à la catastrophe si elle n’y remédie pas. À quoi bon annoncer le retour du latin, des options bilangues ou le développement de l’allemand si l’on ne dispose pas de personnels compétents pour les enseigner ?

Les causes de cette crise du recrutement sont connues : le manque d’attractivité du métier, l’insuffisance des salaires, la mécanique aveugle des ressources humaines qui ne tient compte ni des qualifications ni des compétences. Mais il est une cause qu’on évoque moins, comme si elle était taboue : c’est la réputation – hélas justifiée – des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), qui ont succédé aux IUFM de sinistre mémoire.

Les professeurs stagiaires bénéficient d’un service allégé, de l’accompagnement d’un tuteur et d’une formation dispensée par les ESPE. Si le tuteur fait ce qu’il peut, en fonction de son propre emploi du temps, les ESPE pratiquent la normalisation des esprits. Certes, il arrive que des spécialistes de la discipline ouvrent des perspectives intéressantes, mais l’essentiel de la formation consiste à mettre les nouveaux professeurs dans un moule préconçu.

De nombreux témoignages attestent que les stagiaires sont infantilisés, qu’ils subissent un chantage à la titularisation s’ils osent se rebeller ou manifester leur absence d’intérêt pour les sornettes qu’on leur débite. On les traite selon des méthodes qu’on reprocherait à un enseignant d’appliquer à ses élèves. Ils doivent, en outre, rédiger un mémoire qui, pour être apprécié, doit s’inspirer de la bien-pensance pédagogique. Comment s’étonner, dans ces conditions, que beaucoup de bons étudiants se détournent de l’enseignement ?

Le pire, c’est que la gangrène du pédagogisme, cette version totalitaire de la pédagogie, s’est étendue à tout le ministère, y compris l’inspection, soit par complicité idéologique, soit pour paraître dans le vent, soit pour faire carrière. Jean-Michel Blanquer ne peut pas s’attaquer directement aux ESPE. Les premières mesures de bon sens qu’il a prises le font déjà regarder comme un réactionnaire : que ne dirait-on pas s’il critiquait explicitement ces bastions instaurés par Lionel Jospin, puis Vincent Peillon ?

Le ministre a beaucoup à faire s’il veut nettoyer les écuries d’Augias. En commençant par supprimer les ESPE pour les remplacer par une structure qui donne la priorité aux acteurs du terrain. Il aime le mot « compagnonnage », qu’il employait déjà quand il était recteur de l’académie de Créteil. Ce sont des professeurs chevronnés, ayant fait leurs preuves sur le terrain, qui devraient s’occuper de la formation pratique des nouveaux enseignants.

Qu’est-ce qu’un bon professeur, en effet ? C’est quelqu’un qui domine sa discipline, qui aime enseigner, transmettre sa passion du savoir, éveiller le jugement critique de ses élèves. Quelqu’un qui ne suit pas inconsidérément les consignes d’un mode d’emploi, mais qui sait choisir pour les élèves qu’il a devant lui, parmi les méthodes qui ont fait leurs preuves, celles qui leur sont le plus adaptées.

Ce n’est pas un Diafoirus de la pédagogie, c’est un homme ou une femme capable de se remettre en question, d’utiliser avec discernement les nouvelles technologies, d’innover sans se laisser abuser par les charmes de la nouveauté. C’est un révélateur de talents, un éveilleur d’esprits.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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