Black Blocs et permis de tuer des flics… la faute à qui ?

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Ces jours derniers, l’agenda policier serait plutôt au deuil et pas vraiment à celui du muguet, même si, en France, les forces de l’ordre n’ont jamais été des plus populaires ; sorte de tradition de notre Guignol national, sans doute. Tout le monde connaît Mandrin et Cartouche, Ravachol et Bonnot ; mais les argousins leur ayant mis les pincettes avant de les emmener chez le bourreau ou à la bascule à Charlot : comme qui dirait à propos d’Alésia, connais pas…

Pour autant, quid des motivations des Black Blocs, anarchistes de combat tenus pour responsables, ce dimanche, des blessures plus que sévères infligées à un infortuné CRS, en marge des manifestations de ce 1er mai dernier ?

En préambule, on dira juste qu’il ne sert à rien de vouloir dissoudre une association ne reposant pas sur la moindre base légale ou associative. Pour détestables que certaines idées puissent être, il ne sert à rien de les mettre en prison : cela s’est déjà vu du temps de l’URSS.

Pour autant, on admettra encore que ces fameux Black Blocs ne participent pas précisément de la doxa médiatique dominante, n’appelant pas, entre deux jets de pavés et autres objets contondants, à voter pour Emmanuel Macron. En ce sens, au moins sont-ils cohérents, n’hésitant pas à nous rappeler que la politique est, elle aussi, chose tragique, en cette époque molle et tiède.

D’ailleurs, que font ces voyous énervés, si ce n’est mettre en œuvre, de manière certes virile, ce que la doxa médiatique dominante nous enjoint de faire depuis des décennies ? Devoir de résistance. Obligation de désobéissance civile. Antigone contre Créon. Exigence morale contre contingences législatives. Le général de Gaulle, l’homme qui a dit non. Et le Schtroumpf à lunettes qui dit Oui-Oui lorsque prétendant enseigner l’Histoire de France à nos enfants. À leur manière, les Black Blocs participent donc pleinement de leur temps.

Et c’est bien là qu’on touche du doigt les limites de la rebellocratie médiatique, affaire remontant au siècle dernier, quand un Serge July - pour ne citer que lui, et pas encore patron de Libération - appelait à la nécessité de la guerre civile. CRS = SS. De Gaulle = Hitler. À chaque pavé son flic. La révolution au bout du fusil. Et mon cul en futal Renoma sur la commode Louis XV des parents.

Force est d’avouer que tout le monde a peu ou prou suivi. Refaire la Commune rue Gay-Lussac. Rejouer le maquis des Glières devant des pandores bedonnants ayant reçu ordre de ne pas tirer, même dans les gambettes. Octobre rouge au bar de chez Castel. Le problème est que ceux qui assuraient la douteuse promotion du cocktail Molotov étaient déjà en train de passer à celle du cocktail mondain.

Il y a des esprits sincères qui ne s’en sont pas remis - équipée de Munich, en 1972, oblige. Ce qui n’était alors qu’un simple jeu est devenu réalité. Et les Serge July, Alain Geismar et autre Benny Lévy de siffler la fin de la récréation. Mais pour ceux ayant mis leur peau au bout de leurs idées, tel un vulgaire Pierre Sergent, lui aussi militant politique de choc de l’OAS, ce n’était plus un stage de poterie. D’où bande à Baader, Brigades rouges et Action directe. Pour eux, ce n’était pas avec de la gelée de groseille qu’on allait retapisser les murs, mais avec du sang. Comment reprocher aux jeunes de ne pas perpétuer l’auguste exemple de leurs aînés ?

C’est vrai qu’alors, on ne rigolait pas. Renaud, dans son premier tube, "Hexagone" : « La France est un pays de flics. À tous les coins de rue, il y en a cent. Pour faire régner l’ordre public. Ils assassinent impunément. » Là où l’on rigole pour de bon, c’est quand Renaud assure , aujourd’hui, vouloir « embrasser un flic ». Avant de se faire épingler la Légion d’honneur sur le torse, quitte à ruiner un Perfecto déjà bien esquinté à force de pérégrinations citoyennes effectuées, au risque de sa vie en déambulateur, entre Rotonde et Closerie des Lilas ?

En attendant, les voyous du Black Bloc présentent au moins l’avantage consistant à faire grimper Marine Le Pen dans les sondages. Et, tout bien pesé, leur « ni-ni » vaut bien celui de Nicolas Sarkozy.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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