Les deux papes qui se sont succédé de manière inhabituelle correspondent assez bien à l'opposition entre l'approfondissement et l’élargissement. Benoît XVI n'avait pas son pareil pour dégager avec finesse les points d'appui essentiels de la foi. Cette précision de la pensée n'a pas été bien comprise par l'inculture généralisée de notre époque. Les remous autour de son discours de Ratisbonne, qui était d'une totale justesse et dénué de toute brutalité, restent la marque déprimante du niveau actuel de la pensée mondiale.

Le pape François cherche moins à approfondir qu'à communiquer. À plusieurs reprises, des déclarations ambiguës sur l'orientation sexuelle ou l'islam ont témoigné d'une volonté d'ouverture. On peut supposer qu'il s'agit là d'une stratégie qui cherche à éviter le repli sur soi d'un catholicisme de moins en moins européen et qui se trouve donc confronté, partout dans le monde, à d'autres religions liées à d'autres cultures. On peut espérer qu'il y a, dans son appel à l'accueil des migrants, le vœu de convertir, même si l'expérience quotidienne des pays européens à forte immigration musulmane n'apporte guère de crédit à ce projet qui indispose nombre de catholiques français.

Dans cette logique, le Saint-Père se rend dans deux pays asiatiques où les chrétiens et les catholiques, en particulier, sont très minoritaires. Au Myanmar, l'ancienne Birmanie, ils sont 6 % de la population, dont 1,3 % de catholiques. La visite du souverain pontife est très délicate en raison de la situation politique du pays et des tensions ethniques et religieuses qui le caractérisent.

Il a, sur les conseils de l'archevêque Charles Maung Bo, évité de jeter de l'huile sur le feu, en parlant des "Rohingyas de l'Arakan", mots proscrits, et a mis l'accent sur le respect des minorités en général. Le fait que le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing Hlaing, ait tenu à lui rendre visite en premier est un signe positif.

Il faut toutefois à nouveau s'étonner du décalage entre la réalité et sa traduction dans les médias. La discrimination et les persécutions ne sont pas chose rare, hélas, dans le monde. Mais dans cette "égalité", il y a des persécutés qui sont plus égaux que les autres, selon l'heureuse expression d'Orwell. Les musulmans de Birmanie ont droit à une mobilisation médiatique très supérieure à la moyenne.

Il faut donc rappeler les faits. D'abord, la vague de répression et d'expulsions récente qui a fait fuir un tiers de la population concernée a fait suite à des attaques de rebelles islamistes contre une vingtaine de postes de police qui ont coûté la vie à douze policiers. L'armée rebelle a, certes, repoussé les avances d'Al-Qaïda, mais l'exemple syrien montre qu'il n'y a pas toujours adéquation entre l'adhésion réelle et sa revendication.

On dénombre malheureusement trop de régions du monde où la présence de l'islam s'accompagne de violences. Le Yémen offre aujourd'hui un état de catastrophe humanitaire au moins aussi grave que le Myanmar. Il y a à cela une explication simple. La violence est inscrite au cœur de la nature humaine. Des religions tentent de l'éradiquer : c'est le cas du bouddhisme et du christianisme. Pour autant, il serait vain de prétendre qu'elles y soient parvenues, puisque au contraire c'est parfois en leur nom qu'elles ont été commises. L'islam, dans ses textes fondamentaux, ne la rejette pas. Il souhaite la paix, mais par la soumission, et c'est tout le problème.

Certes, il y a des "interprétations" différentes de l'islam. Les soufis, réputés plus "humanistes" et modérés, l'ont récemment payé cher dans une mosquée du Sinaï. Mais ce sont aussi des soufis qui manifestent au Pakistan pour défendre la loi sur le blasphème au nom de laquelle la chrétienne Asia Bibi croupit en prison. Il est difficile de ne pas voir que l'idée de discrimination religieuse et non raciale est inscrite dans l'islam. La situation particulière de cette foi est gommée en raison du poids que certains pays ont acquis au sein des Nations unies.

Le pape François se rendra ensuite au Bangladesh voisin, où les chrétiens ne représentent que 0,2 % d'une population en proie à l'activisme religieux. On peut espérer, et prier, pour que son action soit bénéfique pour les chrétiens de la région et, à travers eux, pour les progrès de celle-ci en humanité.

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29 novembre 2017 à 17:33

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